Photo : GETTY IMAGES

Les Instituts Confucius – un outil au service du soft power chinois

Depuis 2004, la Chine installe tout autour du globe ses établissements linguistiques, les Instituts Confucius. Mais derrière cet évènement anodin existe une politique plus large d'influence internationale.

Depuis 2004, la Chine installe tout autour du globe ses établissements linguistiques, les Instituts Confucius. Mais derrière cet évènement anodin existe une politique plus large d'influence internationale.

En 2004, alors que la spectaculaire croissance économique chinoise, débutée dans les années 90, bat son plein, Pékin annonce la création d’établissements à but non-lucratif qui visent à promouvoir la langue et la culture chinoise : les Instituts Confucius.

Selon le site français de l’organisme, ces instituts, du nom du célèbre philosophe chinois Confucius (551 av JV – 479 av JC), sont désormais plus de 580, répartis dans les universités, collectivités et autres organisations de 154 pays. C’est plus que la totalité des équivalents allemands (158 instituts Goethe), espagnols (87 Instituto Cervantes) et anglais (179 antennes du British Council) réunis, alors que ces derniers existent depuis bien plus longtemps (la création du British Council date des années 30 par exemple). Pour comprendre cette pandémie des centres linguistiques chinois, il faut s’intéresser aux raisons de leur création et à leurs objectifs, plus ou moins assumés, qui provoquent de vives réactions en occident.

Ci-dessus une carte de la répartition des instituts Confucius. © Ceriscope Sciences Po

La croissance économique : une occasion propice pour redorer le blason de l’Empire du Milieu

Dès le début des années 90, le PIB chinois atteint des taux de croissance à deux chiffres, porté par des réformes économiques et l’essor du secteur secondaire (ce qui lui vaudra le surnom “d’usine du monde“). Cette situation économique exceptionnelle pousse les dirigeants chinois à renouer avec une politique d’influence, laissée pour compte depuis plus d’un siècle. C’est dans cette optique que le gouvernement de Hu Jintao, lors du XVIe Congrès national du PCC (Parti Communiste Chinois), place au cœur de son plan quinquennal le concept de soft power (renouvelé en 2007).

Le soft power est une des formes du pouvoir politique tel que théorisé par le politologue états-unien Joseph Nye. C’est, selon ses propre dires, “l’habileté (pour un état) à séduire et à attirer”. Autrement dit, la capacité pour une puissance, à se servir de son attraction culturelle afin d’acquérir une influence sur la scène internationale. Et dans le cadre de la Chine, les instituts Confucius sont ouvertement mis en avant par les diplomates chinois comme un outil de leur soft power, plus que comme de simples établissements culturels.

En effet, depuis leur création, les responsables chinois multiplient les allusions plus qu’explicites sur l’utilité souhaitée de ces instituts. En 2009, le responsable de la propagande du PCC, Li Changchun, avait déclaré que les instituts Confucius servaient à “répandre la propagande à l’étranger” . Le Hanban, l’organisme chargé de la diffusion du mandarin dans le monde, l’avait aussi rejoint en parlant d’ “étendre l’influence du parti” et de servir au “pouvoir adouci de la Chine”.

Li Changchun, au temple bouddhiste de Kiyomizudera à Kyoto en 2009 (© BY-SA 3.0)

Les instituts dans le viseur des gouvernements occidentaux :

L’implantation de ces organismes en occident, qui est une des principales zones d’action visées par cette politique (plus de 50 instituts en Europe, et plus de 80 au Canada et aux Etats-Unis) provoque l’ire de nombreux pouvoirs. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Belgique ont progressivement fermé les antennes sur leur territoire à partir de 2017, arguant que ceux-ci servaient à la “propagande chinoise, à l’espionnage et à la surveillance des opposants au régime”. Suite à une mesure prise en août 2020, les instituts Confucius américains sont passés d’une centaine à une poignée en un temps record.

Dans la même période, la ministre allemande de l’Education, Anja Karliczek, a aussi dénoncé leur présence qu’elle jugeait néfaste, en déclarant qu’elle ne voulait pas “que le gouvernement chinois influence [leurs] universités et [leur] société”. La propagande chinoise aurait notamment pour volonté d’imposer les idées du Parti sur les questions tibétaines, ouighours ou encore taiwanaises. Des sujets qui provoquent régulièrement des manifestations à travers le monde, déclenchées par les actions des autorités chinoises ne respectant pas les droits fondamentaux humains dans les régions du Xinjiang et du Tibet.

Les instituts seraient donc une des tentatives politiques de la Chine d’imposer sa propre vision sur ces questions tendancieuses et d’obtenir une opinion favorable au sein des populations occidentales. Ces dernières sont en effet les principales consommatrices des produits manufacturés chinois selon le China Statiscal year book. Cette volonté entrerait plus dans le domaine du sharp power, soit la capacité d’un Etat à pénétrer l’environnement politique et informationnel du pays cible, que dans un soft power plus modéré. Cependant, les réactions très négatives des pouvoirs publiques et des citoyens montrent que cette politique tend à aller à l’encontre de ses aspirations initiales. L’avenir des instituts Confucius en Occident reste donc incertain.

Pour poursuivre, vous pouvez consulter ce cours sur l’expansion chinoise dans le monde :