En Corée, le confucianisme n’est pas qu’une simple philosophie importée de Chine. Il s’agit d’un socle historique et culturel, un système de pensée qui a modelé la société, influencé les mœurs et imprégné la vie quotidienne des Coréens pendant des siècles. Pourtant, dans un monde en constante évolution, le confucianisme coréen a dû s’adapter, se réinventer, et parfois même céder la place à d’autres influences.

Qu’est-ce que le confucianisme ?
Le confucianisme est une philosophie née en Chine au VIᵉ siècle avant notre ère, développée par le penseur Confucius (Kǒng Fūzǐ). Loin d’être une religion, il s’agit d’un système éthique et moral centré sur la quête d’harmonie sociale et individuelle.
Cette philosophie valorise des principes tels que la piété filiale (respect et dévotion envers les parents et ancêtres), la bienveillance, la justice, et le respect des rites. Ces préceptes s’articulent autour de cinq relations fondamentales : souverain-sujet, père-fils, mari-femme, frère aîné-frère cadet, et ami-ami. Ces relations, bien que hiérarchiques, impliquent une réciprocité, chaque partie ayant des devoirs envers l’autre pour garantir l’équilibre social.
Le confucianisme accorde également une importance majeure à l’éducation et à l’amélioration personnelle, considérées comme les moyens de cultiver la vertu et de bâtir une société stable et prospère. À travers les siècles, cette philosophie a traversé les frontières de la Chine pour influencer profondément d’autres cultures d’Asie de l’Est, notamment la Corée, où elle s’est intégrée au tissu sociétal avec des adaptations uniques.
L’arrivée du confucianisme en Corée
Le confucianisme a traversé la mer Jaune pour s’établir en Corée au IVᵉ siècle, à travers les échanges culturels et politiques avec la Chine des dynasties Han et Tang. Cependant, ce n’est qu’à l’époque de la dynastie Joseon (1392-1897) qu’il a réellement pris racine en devenant une idéologie d’État.
Sous les rois Joseon, le confucianisme n’était pas seulement une philosophie ; c’était un cadre régulateur pour toutes les sphères de la vie. La société était organisée autour de principes confucéens stricts, tels que la hiérarchie familiale, le respect des aînés, et la loyauté envers l’État.
Les examens d’État, ou gwageo (과거), étaient un des piliers de ce système. Inspirés par les examens impériaux chinois, ils permettaient de recruter les meilleurs lettrés pour des postes gouvernementaux. Mais réussir ces épreuves n’était pas seulement une question de mérite ; cela demandait des années de préparation, souvent accessibles uniquement aux familles les plus riches. Cette structure renforçait les inégalités sociales, tout en instaurant un idéal d’éducation et d’excellence intellectuelle.

Le confucianisme dans la société coréenne traditionnelle
Au cœur du confucianisme se trouve le concept de li, ou rituel. En Corée, cela s’est traduit par une organisation stricte des relations sociales, notamment au sein de la famille. Ce modèle est de moins en moins présent, puisque les jeunes générations se retrouvent de moins en moins dans les valeurs confucéennes.
Dans la famille traditionnelle coréenne, le père incarne l’autorité suprême, tandis que les femmes occupent une place subordonnée, souvent limitée aux tâches domestiques. Les enfants, en particulier les fils, sont tenus d’honorer et de soutenir leurs parents, même après leur mort à travers des cérémonies ancestrales.
Si cette hiérarchie familiale a permis de structurer la société, elle a aussi engendré des inégalités notables. Les femmes, bien que respectées pour leur rôle au sein du foyer, ont longtemps été privées d’éducation et de droits économiques, comme celui d’hériter. Cette dynamique a commencé à changer au XXᵉ siècle, avec les mouvements pour l’égalité des sexes et l’influence des idées modernes.
Les valeurs confucéennes et la gouvernance
Le confucianisme a également façonné la gouvernance en Corée. Les rois Joseon étaient considérés comme les “pères” de la nation, chargés de gouverner avec sagesse et justice. Cette vision paternaliste reposait sur une obligation mutuelle : les sujets devaient obéir au roi, mais ce dernier devait également protéger et guider son peuple.
Dans la pratique, ce système n’était pas exempt d’abus. Les conflits internes, la corruption et les disparités sociales sont venus ébranler cet idéal confucéen. Malgré tout, les valeurs de justice, de loyauté et de bienveillance qu’il prônait ont imprégné la culture politique et continuent d’influencer certaines institutions coréennes.
L’effondrement du confucianisme d’État
Le XIXᵉ siècle marque un tournant pour le confucianisme en Corée. Face aux pressions des puissances étrangères, à l’occupation japonaise (1910-1945) et à la modernisation rapide du pays, le confucianisme d’État s’affaiblit puis disparaît progressivement.
L’industrialisation et l’émergence de valeurs démocratiques ont remis en question les hiérarchies rigides et les traditions conservatrices associées au confucianisme. Par ailleurs, les jeunes générations, confrontées à un monde globalisé, se sont éloignées des anciens principes, les jugeant parfois trop contraignants ou dépassés.
Malgré cela, le confucianisme ne s’est pas totalement effacé. Il a évolué, passant d’une doctrine imposée par l’État à une source d’inspiration plus souple, adaptée aux réalités contemporaines.
Le confucianisme aujourd’hui
Aujourd’hui, le confucianisme continue d’imprégner subtilement la société coréenne, bien que de manière plus discrète qu’auparavant. Les valeurs confucéennes se retrouvent dans des domaines variés, des relations interpersonnelles au fonctionnement des institutions.
Dans le monde professionnel, par exemple, le respect de la hiérarchie reste une norme essentielle. Les juniors doivent faire preuve de déférence envers leurs aînés, tandis que ces derniers ont le devoir de les guider et de les soutenir. Ce modèle de relations, bien que parfois critiqué pour son manque de flexibilité, favorise également une solidarité au sein des équipes.
Les pratiques rituelles, comme les cérémonies ancestrales (jesa, 제사), perdurent également, même si leur fréquence et leur forme ont changé. Ces moments restent pour beaucoup de familles une occasion de se réunir et de renforcer leurs liens, même si certaines jeunes générations tendent à les considérer comme moins pertinentes.
Cependant, la montée de l’individualisme et les changements sociaux rapides posent de nouveaux défis au confucianisme. Les attentes traditionnelles en matière de piété filiale, par exemple, sont parfois perçues comme un fardeau par des jeunes qui aspirent à une plus grande autonomie.

Un modèle pour l’avenir ?
Le confucianisme, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en Corée, illustre la capacité d’une tradition ancienne à se réinventer. En valorisant des principes universels comme l’harmonie sociale, le respect mutuel et l’éducation, il offre des outils précieux pour répondre aux défis d’une société globalisée.
Cependant, pour rester pertinent, le confucianisme doit continuer à évoluer. Il doit trouver un équilibre entre la préservation de ses valeurs fondamentales et l’adaptation aux nouvelles attentes d’une société moderne, où l’individu cherche à coexister avec le collectif.
En fin de compte, le confucianisme coréen n’est pas qu’un vestige du passé. Il est une source d’inspiration vivante, un rappel de l’importance de la morale et de l’éducation dans la construction d’une société juste. Et tant qu’il continuera à s’adapter, il restera un pilier central de l’identité coréenne, éclairant la voie pour les générations futures.
Sources
- Isabelle Sancho. Le confucianisme en Corée: une introduction. 2015. ffhal-02906315ff
- L’influence du confucianisme
- Évolution du confucianisme coréen
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