Vous vous demandez surement qui est Michel Barnier et pourquoi il est revenu sur le devant de la scène politique française. Revenons quelques mois en arrière pour comprendre les évènements récents.
Des législatives anticipées
Les élections européennes qui se sont tenues le 9 juin dernier ont bouleversé la scène politique française. Le Rassemblement National (ex-Front National), parti d’extrême droite, a marqué un score inédit, récoltant 30 % des voix, soit 30 sièges au Parlement européen, et arrivant en première place devant la majorité présidentielle. La France n’est pas la seule à connaître ce phénomène : depuis presque une décennie, l’idéologie ultranationaliste fait son grand retour en Europe. L’Italie de Giorgia Meloni, la Hongrie de Viktor Orban, la Pologne, le Portugal, les Pays-Bas : l’extrême droite semble gagner de plus en plus de popularité.
Face à ces résultats inattendus, le président Emmanuel Macron a décidé, malgré les avertissements de ses conseillers et notamment ceux de Gabriel Attal, Premier ministre depuis 8 mois à l’époque, de dissoudre l’Assemblée nationale.
S’ensuit alors un enchaînement de retournements de situation comparable aux plus grands films hollywoodiens : les partis de gauche s’allient pour former le Nouveau Front Populaire (NFP), en référence au Front Populaire de Léon Blum, déjà victorieux en 1936 contre les ligues d’extrême droite. Ils adoptent, avec le parti de la majorité présidentielle Ensemble, une stratégie de désistement en cas de triangulaire (trois candidats sélectionnés pour le second tour). Le parti de droite Les Républicains se déchire, entre les sympathisants du RN, qui souhaitent une alliance, et ceux qui n’en veulent pas.
Tous les partis composent des programmes en seulement quelques jours, et le taux de participation au second tour, de 66,7 %, est le plus élevé en France depuis 1997. À la surprise générale, c’est le NFP qui remporte ces élections législatives avec 193 députés, leur donnant une majorité relative. Après l’annonce de la composition de la nouvelle Assemblée nationale, des centaines d’électeurs du NFP se sont rassemblés place de la République pour célébrer la victoire.
À l’étranger, les réactions sont mitigées : « La France vient d’assister à un miracle politique », s’exclame le correspondant du magazine allemand Süddeutsche Zeitung sur X, « La France a dit non à l’extrême droite », constate El País à Madrid. À Berlin, on parle de « coup de théâtre dans les élections françaises » en une du Spiegel. La Belgique et le Royaume-Uni, cependant, s’inquiètent : le quotidien belge Le Soir s’interroge sur la capacité de la France à obliger des partis de couleurs différentes à trouver des convergences pour gouverner, et le journal anglais The Telegraph, y voit déjà le symbole de la fin de la Vème République.
À la suite de cette victoire très inattendue, Emmanuel Macron ne s’est pas pressé pour nommer un Premier ministre. C’est après 7 longues semaines d’attente que Michel Barnier a été choisi pour le poste.
Qui est Michel Barnier ?
Nommé le 5 septembre 2024 et issu du parti Les Républicains, Michel Barnier occupait, jusqu’en 2021 le poste de négociateur en chef de l’Union européenne ainsi que celui de ministre sous Jacques Chirac avant cela. Considéré comme « moins clivant » et « plus consensuel » par une ancienne ministre, sa candidature a été retenue après que le chef de l’État a écarté les deux autres « finalistes » : Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve.
La gauche de Jean-Luc Mélenchon s’est empressée de dénoncer ce qu’il appelle le « coup de force » d’Emmanuel Macron, « l’élection a été volée aux Français », continue-t-il, évoquant « un Premier ministre qui est nommé avec la permission et peut-être sur la suggestion du Rassemblement national ». Laurent Wauquiez, le chef de file des députés de la droite républicaine, s’est dit très enthousiaste sur X : « [M. Barnier] est un homme d’une grande qualité, qui a tous les atouts pour réussir dans cette difficile mission qui lui est confiée », a-t-il écrit.
En attendant, l’ancien gouvernement a légué à notre nouveau Premier ministre des dossiers des plus urgents : budget, retraites, déficit, assurances chômage… Le budget 2025 est le dossier de la priorité absolue tant le calendrier est serré.
Tout en ficelant ce projet, Michel Barnier va devoir affronter une autre nécessité : la dérive des comptes de 2024, marquant un déficit qui risque d’ailleurs de se creuser encore à hauteur de 5,6 % du produit intérieur brut (PIB) selon le ministre démissionnaire. En comptabilité nationale, la notion de déficit budgétaire s’utilise lorsque les recettes de l’État (hors emprunt) sont alors inférieures à ses dépenses (hors remboursement d’emprunt). Cela risquerait d’entraîner une hausse des prix et, par conséquent, une baisse du pouvoir d’achat des Français. Sachant que la France est déjà victime d’inflation depuis le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement ne peut pas se permettre de laisser les prix augmenter à nouveau.
Un nouveau gouvernement fragile
Après de longues négociations aboutissant à sa nomination, Michel Barnier était attendu au tournant en ce qui concerne le choix de son gouvernement. À l’affiche, l’ex-socialiste Didier Migaud au ministère de la Justice, le Républicain Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur et Antoine Armand du parti Renaissance au ministère de l’Économie.
Lors de son annonce le 21 septembre, les réactions des différents représentants ne se sont pas fait attendre : « Il faudra s’en débarrasser dès que possible », prévient Jean-Luc Mélenchon, président de La France Insoumise. « C’est un gouvernement qui n’a aucun avenir », affirme quant à lui Jordan Bardella, chef de file du Rassemblement National. En effet, ce gouvernement, très à droite, ne fait pas l’unanimité du fait de la victoire du NFP aux élections anticipées de juin dernier.
Beaucoup dénoncent les positions très conservatrices de nos nouveaux ministres. Bruno Retailleau, par exemple, tout comme la secrétaire d’État à la consommation Laurence Garnier, ont voté contre, en février dernier, la constitutionnalisation de l’IVG, et en 2021, contre une proposition de loi visant à interdire les thérapies de conversion, ces pratiques ayant pour but de modifier l’orientation sexuelle (ou l’identité de genre), partant du postulat que l’homosexualité, la bisexualité et la transidentité sont des maladies.
L’association SOS homophobie a partagé son indignation face à la nomination de ministres s’opposant au mariage pour tous. Cependant, cette longue liste de ministres se clôt par une absence : celle d’un.e ministre délégué.e aux personnes en situation de handicap. Après le succès des Jeux Paralympiques cet été, les citoyens français se questionnent à propos de ce manquement. Suite à cette courte polémique, l’exécutif a donc fini par nommer Charlotte Parmentier-Lecocq.
Toutes ces dissonances idéologiques ne manquent pas d’engendrer des tensions, qui sont d’ailleurs déjà visibles : Antoine Armand s’est fait recadrer par Michel Barnier après avoir exclu le Rassemblement National de « l’arc républicain », propos qu’il a tenus sur le plateau de France Inter, le mardi 24 septembre.
Nous sommes alors en mesure de nous demander si l’excuse de la « stabilité politique », utilisée par Emmanuel Macron, est réellement de mise et si nous ne sommes pas en train de nager en pleine crise politique. En effet, étant donné la tripolarisation de l’Assemblée nationale, la gouvernance risque d’être difficile : pour qu’une loi soit adoptée, le texte doit récolter 50 % ou plus des suffrages exprimés, soit 289 voix si tous les députés sont présents pour le vote.
C’est l’un des problèmes majeurs auxquels va faire face le gouvernement Barnier : personne ne possède de majorité absolue, et le gouvernement est majoritairement de droite, alors que le bloc possédant le plus de sièges est de gauche. Des compromis et des alliances devront être faits si les députés ne souhaitent pas paralyser le pays jusqu’aux prochaines élections.
Quoi pour la suite ?
L’avenir du gouvernement Barnier est donc teinté d’incertitude : il faisait déjà l’objet d’une motion de censure déposée par le parti de gauche La France Insoumise quelques jours après sa nomination. Signée par 192 des 193 députés du NFP elle n’a cependant pas récolté le nombre de voies nécessaires lors de son examination à l’Assemblée nationale le mardi 8 octobre (197 votes sur 289 nécessaires).
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