L’éducation à l’utilisation des outils numériques est une nécessité tant pour le jeune enfant que pour son parent.
1ère PARTIE : De l’écran au monde numérique : les nouveaux défis de l’éducation
De la naissance à l’adolescence

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Naître aujourd’hui, c’est naitre dans un monde entouré d’écrans. Le développement technologique a permis d’innombrables évolutions, qui utilisées correctement, permettent une amélioration de la qualité de vie de tous.
Cependant comme toute évolution, une face plus noire se dessine. La société prend conscience petit à petit des problématiques soulevées par ces outils, notamment chez un public plus vulnérable: les enfants et les jeunes.
Pour démarrer mes recherches autour de ce thème très en vogue, j’ai commencé par chercher la définition du mot “écran” dans un dictionnaire. Celui-ci est défini comme suit par Le Robert11:
“ÉCRAN:
1.Panneau, enveloppe ou paroi destiné(e) à protéger de la chaleur, d’un rayonnement.
2.Objet interposé qui dissimule ou protège.
Un écran de fumée.
- Écran solaire, total, crème de protection contre le soleil.
- Société-écran qui en cache une autre.
3.Surface sur laquelle se reproduit l’image d’un objet.“
L’écran dont il est question ici n’apparait qu’ à la 3ème place dans l’ordre de cette définition. L’écran est donc avant tout “un panneau qui protège” mais aussi “un objet interposé qui dissimule”…
N’est-ce pas exactement la problématique à laquelle les parents sont confrontés aujourd’hui ? Un écran derrière lequel nous voudrions que nos enfants soient en sécurité alors que celui-là même peut dissimuler un grand nombre de dangers.
L’écran est devenu le support de tant d’oppositions: information/désinformation; partage/piratage; amitié/harcèlement; amour-s/violence-s …
Afin de vous éclairer au mieux dans cet univers numérique, je vais tâcher de vous fournir les repères qui me semble indispensable afin de permettre aux enfants de profiter pleinement de ce nouveau monde, tout en gardant à l’esprit le devoir qui est le nôtre, celui du parent et de tout adulte responsable, la protection de son enfant et de sa vie privée.
Sommaire
1. Les balises 3/6/9/12
Comment protéger ses enfants sans pour autant les tenir à l’écart ? Faut-il tout INTERDIRE ?
La réponse la plus réaliste est “non” bien sûr. Tout interdire reviendrait à stigmatiser un produit alors que c’est uniquement son utilisation qui détermine si l’objet sera “bon” ou “mauvais”.
L’utilisation est déterminée par son utilisateur, c’est à dire, pour le sujet qui nous concerne par son premier utilisateur: l’adulte, le parent.
Il faut donc, en toute honnêteté, commencer par ce point.
Et oui, comme toujours, ce n’est pas agréable d’entendre (ou de lire) la vérité, pourtant… Qui met son enfant en contact avec un écran, qui achète une console de jeu, qui achète et paye un forfait téléphonique? La société n’est pas responsable de cela mais le parent, oui!
L’adulte doit donc prendre conscience de sa part importante de responsabilité et faire en sorte de protéger son enfant. La meilleur des protections reste la présence, la bienveillance, l’éducation du parent pour accompagner son enfant dans l’univers des possibles qui s’offrent à lui.
Avant de démarrer avec les questions autour du téléphone portable, jeux vidéos, internet. Une 1ère étape est celle de l’écran lui même. En effet, un jeune enfant ne commence pas directement sa vie en enregistrant son profil sur un quelconque réseau social. Il démarre, pour une grande majorité, avec les programmes télévisuels pour enfants.
Les balises pour y voir plus clair : “3 – 6 – 9 – 12”

Vous les connaissez?
Ces balises sont issues du travail de Serge Tisseron, psychiatre, membre de l’Académie des Technologies, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches en Sciences Humaines Cliniques, chercheur associé à l’Université de Paris.
Les balises indiquent quel comportement le parent devrait adopter vis à vis des écrans en fonction de l’âge de l’enfant. En effet, chaque tranche d’âge correspond à des besoins non seulement physiologiques mais aussi cognitifs, développementaux et psychologiques. Si vous souhaitez connaître les bases scientifiques qui ont permis la mise en place de ces balises (qui ne sont pas le fruit du hasard) je vous encourage à visiter le site de Serge Tisseron.
En 2013 il a reçu à Washington le prestigieux Award du Family Online Safety Institute.
Il est aujourd’hui accompagné de plusieurs professionnels qui œuvrent pour l’accompagnement des parents et des jeunes dans le développement des outils numérique. Vous trouverez sur le site de son association bon nombre des conseils pour tous les âges.
Les éléments importants à retenir sont les suivants:
1. Pas d’écran avant l’âge de 3ans: A cet âge, l’enfant ne peut pas se saisir seul d’un écran. L’écran lui est proposé par un adulte, la plupart du temps son parent.
Il est facile d’en comprendre les raisons: journées épuisantes, besoin de souffler, enfants agités. Placer un enfant devant un écran permet de l’immobiliser telle une statue, offrant une bulle d’air à son parent. Loin de moi l’idée de juger ce comportement car, chacun vit dans un contexte qui lui est spécifique. Cependant, l’adulte doit garder à l’esprit, que son choix de positionner son très jeune enfant devant un écran est un bénéfice uniquement pour lui, l’adulte.
2. De 3 à 6 ans : limitons les écrans, partageons-les, parlons en famille.
Un point important dans cette tranche d’âge où l’écran devient accessible est la notion de “partage”: cela signifie que “oui pour un temps d’écran” mais “pas tout seul”. L’adulte doit être présent à côté de son enfant pour interagir avec lui.
3. De 6 à 9 ans : créons avec les écrans, expliquons-lui Internet.
A cet âge, il peut regarder l’écran seul mais toujours dans le salon. L’adulte l’interroge et échange avec son enfant sur le contenu visionné. En parallèle, il est temps de commencer à parler de la notion de “vie privée”, de droit à l’image, et des 3 Règles d’Internet:
-Tout ce qu’on y met y reste éternellement;
-Tout ce qu’on y met peut tomber dans le domaine public
-Il ne faut pas croire tout ce qui s’y trouve.
4. De 9 à 12 ans : apprenons-lui à se protéger et à protéger ses échanges
Cette tranche d’âge représente l’achat du 1er téléphone portable. Si cela est votre cas, rien ne vous empêche de commencer par un téléphone “simple”, sans forfait internet.
Le Contrôle parental est OBLIGATOIRE sur tous les objets connectés auxquels l’enfant aurait accès.
Le parent rappelle (sans cesse) les 3 Règles d’Internet et échange régulièrement avec son enfant sur les contenus visionnés.
5. Après 12 ans : Restons disponibles
Il est temps, à cet âge, de parler avec votre adolescent des risques liés aux réseaux sociaux et pour quelles raisons ceux-ci sont désormais interdits aux moins de 15ans. On évoque les plagiat, le harcèlement et la pornographie.
Le soir le Wifi est coupé et le téléphone reste dans le salon. Si notre ado a besoin d’un réveil, il suffit de lui en acheter un !

2. Les classifications PEGI et Audiovisuel
Ce système de repères par âge est aussi utilisé par les jeux vidéos et la télévision afin que les parents puissent adapter et choisir les programmes en fonction de l’évolution de leur enfant.
– Les jeux Vidéos: Programme PEGI « Pan European Game Information » (https://pegi.info/fr) .
Les âges notés sont à considérer comme “le joueur doit avoir cet âge ou plus”. l’étiquette de l’âge peut être complété de pictogramme afin de clarifier les types de “violences”: violence verbale, physique, visuelle,..
–La Télévision: Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a pour objectif de protéger les enfants et les adolescents des contenus audiovisuels à travers une signalétique. Il contrôle les classifications et sensibilise le jeune public aux programmes violents, choquants et explicites. (https://solidarites.gouv.fr/classification-et-signaletique-de-la-television).

–Mon conseil en tant qu’ancien travailleur social: Pour ma part je pense que ces pictogrammes sont intéressants pour faire un premier “tri”. En effet, chaque enfant a une maturité différente, au même titre que certains adultes ne pourront jamais regarder de films d’horreur, chaque enfant à une sensibilité et un caractère propre.
En tant que parent, c’est vous qui connaissez le mieux votre enfant, donc même si il a “l’âge” de regarder ou de jouer à un programme, je vous conseille de regarder en amont les avis (blogs en quantité sur internet), tâchez de lire surtout les avis qui vont à l’encontre de ce que vous pensez pour avoir un vrai éclairage. L’idéal est bien sûr que vous regardiez vous même le programme avant de le proposer à votre enfant.
Dans tous les cas, regardez toujours un nouveau programme avec lui, ne laissez pas votre enfant seul. Si par hasard, il venait à visionner une scène non adaptée ou qui le ferait réagir, soyez présent et verbalisez “Oulala qu’est-ce qui est le moche ce monstre”; “Eh bien que de gros mots”;”Ces images sont vraiment réalistes heureusement qu’on sait que c’est pour de faux”, “Tu en as pensé quoi toi quand..“..
Mettre des mots sur les évènements permettent de prendre du recul et de poser des émotions dessus.
3. La santé visuelle3
Un dernier point, et non des moindres concernant l’utilisation des écrans chez les jeunes enfants est la santé visuelle.
Avec le développement des écrans, un nouveau terme médical a fait son apparition dans les cabinets des ophtalmologistes : la fatigue oculaire numérique.
La fatigue oculaire chez les enfants se manifeste par une tension des yeux due à un effort intense ou prolongé. Cette forme spécifique de fatigue visuelle résulte de l’utilisation prolongée d’appareils numériques. L’exposition constante à leurs écrans émettant de la lumière bleue peut causer des symptômes tels que sécheresse oculaire, irritation, et difficulté à focaliser la vision à distance, maux de tête.
Les enfants sont particulièrement vulnérables car leurs yeux absorbent plus facilement la lumière bleue Elle peut aussi avoir des répercussions sur la performance scolaire, le bien-être et le développement global de l’enfant.
La solution à ce problème ? Jouer à l’extérieur ! En effet, la lumière naturelle est bénéfique pour le système visuel en développement de l’enfant. De plus, en jouant à l’extérieur, l’enfant mobilise son regard de différente manière : de loin, de près, en jouant (coordination visuelle). Ces changements renforcent leurs muscles oculaires et contribuent à une vision équilibrée
4. Et concrètement? L’instauration des 1ères règles
Sans surprise, je dirais que les 1ères règles s’adressent non pas aux enfants mais aux parents.
En effet, comme nous avons pu le voir dans les balises 3/6/9/12+, le début de “temps d’écran” ne devrait avoir lieu qu’à partir de 3ans et pour une durée progressive de 30 minutes à 1h maximum à 6ans. Il faut donc être suffisamment honnête pour dire que ce sont aux parents de respecter ces règles et non aux enfants.
Au quotidien, l’écran est souvent utilisé comme une “nounou”; un “calmant” afin que les parents puissent souffler un peu, ce qui s’entend parfaitement.
Je dirais que le plus difficile est de ne PAS commencer, car une fois que vos enfants auront connu les écrans il sera beaucoup plus compliqué de revenir en arrière.
Pour les enfants très jeunes, il existe aujourd’hui une multitude de jouets d’éveil qui, adaptés à l’âge de l’enfant, seront de bons palliatifs à l’écran: écouter des histoire en suivant les images; livres sonores; musique..
Comme pour tous les jeux, l’enfant aura besoin de faire avec son parent pour pouvoir, par la suite, utiliser ses jouets en autonomie. Bien évidemment, le temps de jeu en autonomie est très faible chez le jeune enfant, ce qui est normal vis à vis de son développement, plus il grandira, plus ce temps augmentera. Par contre, si le parent, utilise un écran pour avoir plus de temps “pour lui”, l’enfant ne pourra pas apprendre à jouer en autonomie, ce qui entrainera, notamment, des demandes incessantes pour rallonger le temps d’écran.
Lorsque les écrans rentrent progressivement dans le quotidien de votre enfant il est important, même si celui-ci est très jeune, de mettre en place et de verbaliser les règles et le temps d’utilisation.
Il est plus facile de mettre en place des règles lorsque l’enfant est jeune. Ce cadre, qui évoluera en fonction de vos besoins et de la maturité de votre enfant, permettra de faciliter le passage à l’adolescence et au téléphone portable. En effet, si un enfant a toujours utilisé les écrans dans des règles précises, le fait que celles-ci existent aussi pour l’utilisation de son portable sera plus aisément accepté.
–Quelques exemples:
. Ritualiser le temps d’écran dans le quotidien de votre enfant, en lui expliquant clairement à quel moment de la journée il va pouvoir regarder/jouer et combien de temps.
Attention au temps d’écran quand l’enfant joue à la console ET regarde la télévision: il faut bien penser que 30 minutes est un TOTAL. Il faut donc être clair avec son enfant s’il joue aux jeux vidéo ce “temps de jeu” sera déduit du temps de télévision!
Choisir un moment précis dans la journée (qui ne changera pas et qui ne sera ni le matin avant l’école ni avant le coucher) permet d’éviter que l’enfant sollicite sans cesse son dessin animé. Un conseil: afficher clairement un “emploi du temps” avec des pictogrammes pour aider votre enfant à visualiser le temps qui passe. Lorsqu’il vous sollicite vous n’aurez qu’à le renvoyer à la frise du temps “Tu veux savoir si il est l’heure du dessin animé? Regarde sur la frise et dis moi”. L’enfant est acteur de son développement, d’autant plus si il construit la frise avec vous 🙂
Concernant la durée, aidez vos enfants avec un minuteur ou d’un “time-timer”3 cela permet de visualiser le temps qui reste. Le plus simple est de regarder, en amont, combien dure son dessin animé (5min? 15min ?) cela vous permet de donner un point de repère plus précis à votre enfant: “Tu regardes 2 dessins animés puis on arrête“. Faites lui répéter la règle avant d’allumer la télévision pour vous assurer de sa compréhension et aidez votre enfant en interagissant avec lui “le 1er est terminé donc il n’en reste plus qu’un seul et on éteint“…
Il est parfois plus facile de passer par des plateformes de Vidéos à la Demande, en streaming ou en replay. Cela permet à votre enfant de bénéficier de “tout” son temps sur les dessins animés qu’il souhaite et de ne pas être parasité par des publicités qui prennent beaucoup de temps et qui ne sont pas adaptées aux jeunes enfants.
.Interagir avec son enfant: Lorsque votre enfant est collé à son écran, il ressemblerait presque à un petit zombi. Il est complètement absorbé.
Lorsqu’il est dans cet état et que vous arrivez pour couper la télévision/ou le jeu vidéo, vous pénétrez brusquement dans sa bulle et la plupart du temps votre enfant explose.
Afin de limiter ce comportement il est important de toujours rester “en contact” avec son enfant en interagissant avec lui. Même si vous êtes en train de finir un travail, de faire les devoirs avec votre aîné, en préparation du repas, garder une oreille sur ce qui se passe dans le salon et réagissez simplement à quelques occasions afin que votre enfant lève le bout du nez de son écran: “Oulala quelle grosse bêtise”,”Ah j’adore ce personnage”,”comme il va vite“…
.Pour compléter:
-Les écrans sont toujours dans le salon;
–Les jeunes enfants n’ont pas besoin d’internet, leurs écrans ne sont donc jamais connectés;
-Les enfants n’ont pas à utiliser le téléphone de leur parent, ils ne doivent pas connaître le code du portable ou de tout autre objet qui pourrait se connecter à internet;
-Si vous n’avez pas d’autre choix que de donner accès à un objet connecté à votre enfant, obligez-vous à installer un contrôle parental;
-Les règles sont différentes en fonction de l’âge de l’enfant: on autorise pas “tout pareil” au plus jeune de la fratrie sous couvert de jalousie;
-Si je pense devoir acheter un téléphone à mon enfant avant l’entrée au collège “car il rentre tout seul et ça m’inquiète”, on achète des téléphones simples et sans internet.
-En sortie, ou lorsque l’on sait que nos enfants vont devoir “patienter” (chez le docteur, au restaurant, dans un train) on amène toujours dans son sac : un stylo, un bout de papier, un petit livre et on joue avec lui.
Beaucoup de sites internet proposent des idées et outils pour faciliter la vie des parents dans l’apprentissage des règles, n’hésitez pas à vous en inspirer!
5. Pour finir
Encore une fois, il est important de se rappeler que le travail de parent est une tâche difficile et parfois épuisante.
L’objet de cet article n’est pas de faire culpabiliser (voir “Éducation /Dire stop à la culpabilité“- site Workyt) ou de dicter les “nouvelles lois du parent parfait” car celles-ci n’existent pas. Cependant, voici les 3 points qui me semblent essentielles à garder à l’esprit:
- L’enfant a besoin d’interactions positives avec son parent et son environnement pour se développer;
- l’adulte doit prendre conscience que c’est lui qui place l’écran dans les mains de son enfant et s’interroger sur les raisons (j’ai besoin d’être tranquille, je n’ai pas envie de jouer avec lui..). En fonction de la réponse, ne pas hésiter à faire appel à des professionnels;
- les problématiques soulevées par les spécialistes sont liées à des utilisations régulières et quotidiennes de l’écran. Une exposition ponctuelle et raisonnable est possible.
Concernant les plus grands, une seconde partie est en cours de rédaction où il sera question de loi, de vie privée et d’addictions … je vous dis à très vite,
Sabrina,
Ressources pour aller plus loin
Voici quelques adresses qui vous permettrons d’aller plus loin:
1. Les Balises: https://www.3-6-9-12.org
2. https://www.faminum.com/mon-moment-ecran: des outils pour aider les parents dans la mise en place des règles sur le temps d’écran
Notes de bas de pages:
- https://dictionnairelerobert.com ↩︎
https://optikid.fr/ ↩︎- Time – Timer https://www.hoptoys.fr/timers-et-plannings/time-timer-plus-60-min-noir-nouveau-p-7481.html ↩︎
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