L’histoire de la Finlande de 1323 à 1918

Le 6 décembre, la Finlande célèbre sa fête nationale, date marquant sa déclaration d’indépendance en 1917. Voilà donc plus de 100 ans que ce pays nordique européen, à l’histoire qui nous est parfois méconnue, est un État indépendant.

Le 6 décembre, la Finlande célèbre sa fête nationale, date marquant sa déclaration d’indépendance en 1917. Voilà donc plus de 100 ans que ce pays nordique européen, à l’histoire qui nous est parfois méconnue, est un État indépendant.

Le 6 décembre, la Finlande célèbre sa fête nationale, date marquant sa déclaration d’indépendance en 1917. Voilà donc plus de 100 ans que ce pays nordique européen, à l’histoire qui nous est parfois méconnue, est un État indépendant, alors que son histoire est profondément marquée par son appartenance aux empires voisins.

Retour “succinct” sur plusieurs siècles d’histoire de la Finlande, du XIVe siècle à son indépendance effective en 1918.

© Freepik

La région de la Finlande a pendant longtemps été la cible de l’Église catholique suédoise, et est d’ailleurs visée dès 1249 par des expéditions religieuses, sans pour autant intégrer l’Empire suédois. Elle est aussi au cœur de nombreux conflits territoriaux entre la Suède et la Russie.

Finalement, après une bataille entre la Suède et la République de Novgorod (appartenant aujourd’hui à la Russie) qui est de foi orthodoxe, c’est en 1323, à l’issue du traité de Nöteborg, que la majeure partie de la Finlande intègre la Suède. Ce traité vise à partager la péninsule finlandaise entre les deux grandes puissance et à délimiter une frontière sud-orientale. Cette nouvelle division devient religieuse : la religion catholique s’est enracinée dans l’ouest de la Finlande, et la religion orthodoxe à l’est. Pourtant, à l’occasion de différentes guerres, les frontières sont modifiées à plusieurs reprises. 

C’est donc à partir de là que la Finlande voit son système économique, social, mais aussi culturel se développer, sous l’influence occidentale de la Suède.

Côté politique et économique, même si la Suède octroie une Cour suprême et une monnaie à la Finlande, seule la Cour suédoise traite des grands sujets politiques, comme par exemple les décisions militaires. Les représentants du peuple finlandais ont toutefois le droit de prendre part à l’élection du roi dès 1362 (la couronne suédoise étant à l’époque élective), ainsi qu’aux assemblées nationales de notables se tenant à Stockholm.

La seule langue officielle reconnue reste le suédois. Il faut attendre 1543 pour que le premier alphabet finnois soit publié. Son créateur, l’évêque Mikael Agricola (vers 1510-1557), a également traduit pour la première fois le Nouveau Testament en finnois en 1548, et a contribué en grande partie à adopter les idées luthériennes dans la religion finlandaise. Il est donc le père de la langue du pays.

Statue de Mikael Agricola à Lahti (Finlande)
© Eetu-Pekka Heiskanen/Malva

En 1550, dans le but de concurrencer la capitale de l’Estonie, Reval (aujourd’hui, Tallinn), sur le commerce de la mer Baltique, le roi de Suède Gustave Ier Vasa (1496-1560) crée Helsingfors, nom suédois de la ville qui deviendra plus tard Helsinki en finnois.

Durant le XVIIe siècle, la Suède, de plus en plus puissante, étend son empire à de nombreux territoires de la région de la Baltique. Une centralisation stricte est instaurée, ce qui aboutit à un rapprochement entre la région finlandaise et la Suède, avec notamment le développement et l’amélioration du réseau routier. En parallèle, la première université finlandaise est fondée, en 1640, à Turku, la capitale de l’époque.

Pendant ce temps, la Russie, voisine de l’Est, monte en puissance, et la Suède perd peu à peu sa situation dominante dans la région de la mer Baltique. Plus tard, la Finlande est la cause et le lieu de batailles entre les deux pays. Elle se retrouve donc au milieu de la Grande Guerre du Nord (1700-1721) : Helsingfors est alors incendiée, puis occupée par les Russes entre 1713 et 1721, période de dévastation et d’oppression pour la Finlande. Plusieurs tentatives de paix entre la Russie et la Suède ont lieu, en vain.

Après de nombreux va-et-vient entre les deux pays et l’intervention d’autres puissances (notamment la Grande-Bretagne et la Prusse), le traité de Nystadt est finalement signé le 30 août 1721. La Russie renonce ainsi à la Finlande, contre la récupération de territoires limitrophes occupés jusqu’alors par la Suède, auxquels s’ajoute une partie de la Carélie, zone est de la Finlande.

À la suite de cette guerre, la Finlande connaît une période de liberté, durant laquelle elle apparaît de plus en plus indépendante aux yeux de l’Empire suédois, malgré des problèmes économiques et sociaux rencontrés. Les armées russes reviennent cependant occuper la Finlande en 1741 pour un an, et arrachent de nouvelles parties de la région à la Suède.

Ces conflits et concessions alimentent de plus en plus le nationalisme finlandais, et le peuple de Finlande réfléchit sur son destin national. En effet, dès lors qu’un duel oppose la Suède et la Russie, la Finlande n’est qu’une victime de guerre sans pouvoir de décision, et État tampon entre les deux grandes puissances. Pour la première fois, l’idée selon laquelle la Finlande doit se séparer de la Suède naît.

Mais, en février 1808, des milliers de soldats russes traversent la frontière finlandaise, avec pour ambition d’occuper le pays. Cette invasion intervient après le blocus continental lancé par Napoléon Ier contre le Royaume-Uni*. L’objectif pour les Russes est simple : réussir à contrôler la mer Baltique pour protéger Saint-Pétersbourg, en envahissant la Finlande. Quelques mois plus tard, la guerre de Finlande est finalement déclarée.

* La guerre de Finlande intervient après le lancement du blocus continental par Napoléon Ier contre le Royaume-Uni (reconquête commerciale), en 1806. La Suède était à ce moment l’alliée des militaires anglais, alors que la Russie était celle de la France. Napoléon Ier avait passé un accord avec le tsar Alexandre Ier, et espérait que cette guerre pourrait contraindre la Suède à quitter l’alliance anglaise. Cette guerre n’est donc, à l’origine, pas d’intérêt purement local.

Après plusieurs batailles entre les Empires suédois et russes, la Suède abandonne finalement la Finlande au tsar Alexandre Ier, souverain de la Russie, en septembre 1809 par le traité de paix de Fredrikshamn signé entre les deux pays. Ce traité met ainsi fin à la guerre de Finlande, et la Suède reconnaît l’annexion de la Finlande et des îles Åland (province finlandaise) par la Russie. Le pays devient donc un grand-duché autonome de l’Empire russe : le grand-duché* de Finlande, avec pour grand-duc le tsar.

*Un grand-duché est un territoire dont le souverain est un grand-duc ou une grande-duchesse, souvent rattaché à un empire. De nos jours, le seul grand-duché existant est le Luxembourg.

La Russie a pour ambition de russifier la Finlande. Cependant, la majeure partie des lois instaurées autrefois par la Suède restent en vigueur, ce qui permet à la Finlande de conserver sa monnaie et sa banque nationale, ainsi que d’entretenir une armée nationale.

Pour couper les liens géographiques et sentimentaux avec la Suède, Helsingfors devient la capitale en 1812, à la place de Turku, ce qui va marquer l’essor de l’influence de la ville.  Ce changement, ainsi que cette nouvelle position, fortifie la conscience nationale finlandaise.

Les empereurs russes qui se succèdent respectent peu l’autonomie de la Finlande, à l’exception du tsar Alexandre II (1818-1881). Celui-ci fait preuve de plus de libéralité avec les Finlandais : il va par exemple favoriser l’émergence d’une littérature nationale, ou encore permettre la création d’une nouvelle monnaie finlandaise, le mark, en 1860. C’est à cause de (ou grâce à) ces différentes mesures que la Finlande va voir naître son mouvement pour l’indépendance.

Alexandre II, “Le Libérateur” © Getty images


La Russie est de plus en plus témoin de la montée du nationalisme. Pour reprendre les choses en main, le tsar Nicolas II nomme comme nouveau gouverneur général du grand-duché, Nikolaï Bobrikov (1839-1904) en 1898. Ce militaire proche de la cour, connu pour sa loyauté politique, est chargé d’être l’instigateur de toutes les mesures de russification de la Finlande, notamment les plus oppressives.

Il signe ainsi plusieurs décrets, qui vont notamment imposer l’usage plus répandu de la langue russe dans l’administration et le système éducatif, et abolir l’armée finlandaise en 1901. Il impose également une censure stricte de la presse en 1903, restreignant considérablement le droit à la liberté d’expression. Il supprime même les libertés traditionnelles, et va jusqu’à changer le nom de certaines villes. Enfin, pour lutter contre les groupes militants qui émergent, il obtient des droits dictatoriaux la même année.

Toutes ces mesures finissent par animer la haine du peuple finlandais envers Nikolaï Bobrikov, qui traite le pays en colonie. Le 17 juin 1904, alors qu’il se trouve au Sénat d’Helsingfors, il est assassiné par le séparatiste Eugen Schauman (1875-1904) ; le militant se tire dessus juste après son acte et mourra dans la nuit. Aujourd’hui encore, ce jeune finlandais est considéré comme une icône de la résistance contre la Russie.

Eugen Schauman © suomensisu.fi

La situation politique est donc tendue avec le grand-duché autonome, et pour apaiser le peuple finlandais, le tsar Nicolas II accorde de nouveaux droits. En 1906, il dote Helsingfors d’un parlement et introduit le droit de vote à tous les citoyens et citoyennes de plus de 24 ans : la Finlande est donc le premier pays européen autorisant les femmes à voter. Quelques années plus tard, en 1910, le tsar autorise le peuple finlandais à concourir aux Jeux olympiques sous ses propres couleurs.

Les Finlandais et Finlandaises retrouvent donc de nouvelles libertés, et pourtant, derrière ces mesures, le gouvernement impérial a toujours comme plan la russification complète de la Finlande. Le tsar réintroduit l’usage officiel et presque exclusif du russe, les opposants sont déportés. Le mouvement d’indépendance finlandais ne cesse donc de croître, et le peuple rêve de plus en plus d’une séparation avec la Russie.

Durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), des patriotes sont même prêts à se battre pour l’Allemagne et combattre la Russie, dans l’espoir qu’une défaite russe leur permettrait d’accéder à l’indépendance nationale. Cette période de conflit mondial s’avère finalement plus avantageuse qu’espérée.

1917 est une année mouvementée pour la Russie : il s’agit en effet de l’année où les bolchéviques, des socialistes menés par Lénine, entament une révolution (la fameuse révolution bolchévique). C’est ainsi qu’en février 1917, le régime tsariste est renversé. 

Le peuple finlandais y voit une opportunité en or : maintenant que le tsar Nicolas II, aussi grand-duc de Finlande, a abdiqué, et qu’un nouveau gouvernement est en place, la Finlande estime qu’il est temps pour elle de “prendre son destin entre ses mains” (termes employés dans la déclaration d’indépendance). Des négociations sont donc d’abord entamées entre le nouveau gouvernement provisoire russe et les autorités finlandaises. Cependant, après divers échanges et votes, ce gouvernement provisoire désapprouve l’indépendance de la Finlande.

Mais en octobre de la même année, les bolchéviques prennent le pouvoir en renversant le gouvernement provisoire et, le 2 novembre 1917, proclament la Déclaration des droits des peuples de Russie. Le texte traite des questions de nationalités et déclare ainsi 4 éléments : 

  1. Égalité et souveraineté des peuples de Russie ;
  2. Droit des peuples de Russie de disposer d’eux-mêmes, jusqu’à séparation et constitution d’un état indépendant ;
  3. Suppression de tous privilèges et limitations, nationaux ou religieux ;
  4. Libre développement des minorités nationales et groupes ethnographiques, habitant le territoire russe.

La Finlande peut donc devenir un État indépendant. La déclaration d’indépendance finlandaise est donc enfin rédigée par Pehr Evind Svinhufvud (alors président du gouvernement de Finlande), et adoptée par le Parlement de Finlande le 6 décembre 1917. 

Déclaration d’indépendance de la Finlande en finnois © suomenkenttalehti.fi

Voici un extrait traduit :

“Le peuple de Finlande a, par cet acte, pris son destin entre ses mains ; un acte à la fois justifié et exigé par les présentes circonstances. Le peuple de Finlande ressent profondément qu’il ne peut remplir son devoir national et international sans une souveraineté totale. Le désir séculaire de liberté demande aujourd’hui à être comblé ; le peuple de Finlande s’avance comme une nation libre parmi les autres nations du monde.”

Le gouvernement soviétique russe confirme formellement l’indépendance de la Finlande en janvier 1918, et Helsingfors est renommée Helsinki.

C’est ainsi qu’après des siècles à être sous la domination de pays voisins, le peuple finlandais gagne son indépendance. Ce changement majeur et libérateur pour le pays va pourtant être le déclenchement d’une guerre civile d’une durée d’un peu plus de 3 mois, aux conséquences catastrophiques pour le pays. En effet, dans ce contexte d’instabilité, il existe une forte opposition entre les Rouges sociaux-démocrates (armée révolutionnaire communiste) et les Blancs bourgeois (menés par le Sénat conservateur). Les Rouges, voyant la fondation d’une armée par le nouveau gouvernement comme une moyen de répression, entament une tentative de renversement et une guerre civile le 27 janvier 1918.

Enfin, si vous souhaitez en apprendre plus sur la Suède, nous vous invitons à lire notre article “Témoignage : mon expérience Erasmus en Suède”