Parentalité et éducation sont souvent synonyme de culpabilité. D’où vient-elle? Peut-on l’éviter? Comment en sortir ?
Sommaire
1. Définition
Les émotions et les sentiments font partie intégrante de l’être humain.
Au même tire que nous avons besoin d’un cœur qui pompe notre sang, nous avons besoin de sentiments pour vivre. La culpabilité est un de ces sentiments que nous connaissons tous; en voici une définition classique :
“La culpabilité est un sentiment causé par la transgression d’une norme morale. Il s’agit d’un sentiment proche du concept du remord.
Dans la classification des émotions morales de Jonathan Haidt, la culpabilité fait partie des émotions auto-conscientes, celles permettant aux individus de réguler leurs actions. L’embarras et la honte sont des sentiments proches de la culpabilité. La culpabilité s’en distingue car elle entraîne des remords, la volonté de réparer sa faute, s’accompagnant d’empathie envers les victimes.” (source: Wikipédia)
2. Culpabilité: sentiment indissociable de la parentalité ?
Dans la parentalité, le sentiment de culpabilité peut s’insinuer en nous dès l’annonce de la grossesse. Le discours et les observations de personnes “bien intentionnées” font naitre des questionnements internes chez les futurs parents.
– “Tu utilises une boite en plastique, c’est pas bon pour le bébé”, “tu prends un médicament pendant ta grossesse?”, “tu ne dois pas manger pour deux mais manger deux fois mieux”..
Toutes ces petites phrases, ces conseils, instillent petit à petit, dans l’esprit de la mère, qu’elle n’est pas elle-même en capacité de faire de “bons” choix. Même une personne confiante, se posera toujours, à un moment, la question: “Est-ce que je fais du mieux possible pour mon enfant?”.
Ce sentiment sera renforcé à la maternité, où, après la naissance d’un premier enfant, les sage-femmes, auxiliaires puéricultrices, sont présentes (et heureusement) pour expliquer aux nouveaux parents les premiers gestes à apporter à son nourrisson: change, hygiène, nourrissage.
A ce moment-là, pour les mères qui espéraient trouver, quelque part en elles, leur “instinct maternel”, tout s’écroule: “je ne sais même pas nourrir mon enfant”, “je n’arrive pas à le calmer quand il pleure”…
Cette théorie de l’instinct maternel crée beaucoup de culpabilité chez les jeunes parents, à tort, puisque ce phénomène n’existe pas. (Si vous souhaitez aller plus loin sur ce thème, je vous conseille un article très clair: “L’instinct maternel existe-il vraiment?” paru dans le Journal Psychologie / www.psychologie.com).
Comme on peut le voir dans la définition, le sentiment de culpabilité est une émotion. Cette émotion dite complexe (car composé de plusieurs facteurs), apporterait le remord et par extension, l’envie de « réparer ».
L’exemple “parfait” de l’utilisation du levier culpabilité/remord/réparation qui fonctionne avec beaucoup aux parents est le fameux « je ne t’aime plus, tu es méchant(e) » que les enfants hurlent parfois lorsqu’ils sont face à une frustration. Autant être catégorique avec vous : les enfants aiment TOUJOURS leurs parents.
Dans ce type de situation, le parent, touché par le discours de son enfant, va, peut-être sans en avoir conscience, chercher à « réparer quelque chose». Il va « arrondir les angles » ou va céder. Sur le moment, l’adulte aura l’impression qu’il a donné “une preuve de son amour” à son enfant. Cependant, un enfant a non seulement BESOIN d’intégrer la notion de frustration pour grandir mais le fait que son parent ne tienne pas ses choix (son cadre éducatif) pourrait créer, plus ou moins rapidement, différentes formes d’angoisses chez son enfant.
Il en est de même pour un parent très laxiste qui justifierait son choix “éducatif” par le fait qu’il ait, lui-même, souffert dans son enfance d’un parent trop autoritaire. En réponse à son vécu personnel, l’adulte ne parvient pas à considérer les besoins de son enfant mais cherche une forme de “réparation”.
Élever un enfant nécessite que l’adulte qui en est responsable soit capable de mettre de côté ses propres besoins pour s’appliquer à respecter ceux de son enfant.
Naturellement, cela est impossible. En effet, il n’existe aucun bouton “Reset” sur lequel un adulte pourrait appuyer lorsqu’il devient parent. En tant que personne, chacun de nous a sa propre histoire plus ou moins difficile et vit dans des systèmes plus ou moins complexes.
Cet état de fait explique, en partie, pourquoi élever son enfant peut être si éprouvant, tant physiquement que mentalement.
Derrière beaucoup de situations difficiles, où les parents s’épuisent à crier, punir, sanctionner, on peut retrouver des sentiments d’incompréhension, d’incompétence, de culpabilité. Le parent parfait n’existe pas, il est temps de prendre du recul et de se pardonner pour avancer vers une éducation centrée sur les besoins de votre enfant.
3. Éducation: Comment surmonter sa culpabilité
La première étape pour surmonter ce sentiment est bien évidemment d’en prendre conscience et de l’accepter, car peu de parents échappent à cette émotion.
Un “mode éducatif” uniquement guidé par la culpabilité ne sera certainement pas le plus pertinent ni pour vous, ni pour votre enfant.
Toutefois, il ne s’agit pas de ne plus culpabiliser du tout, car ce sentiment permet aux parents de s’interroger sur les attitudes/comportements/actions à mettre en place devant une situation éducative avec leur enfant. Se questionner et se remettre en question est important, car comme nous l’avons déjà vu, il n’y a pas une seule « bonne » façon de faire , et chacun, en fonction des systèmes dans lesquels il évolue, va mettre en place ses propres mesures éducatives (à ce sujet vous pouvez lire Éducation : Il n’y a pas UNE mais DES vérités ! #1) .
C’est pour cela, qu’à mon sens, l’objectif ne serait pas de ne plus culpabiliser mais d’apprendre à reconnaitre cette émotion afin de pouvoir la dépasser.
La culpabilité est une émotion complexe, composée de plusieurs éléments.
Une partie d’entre eux, prennent naissance dans notre propre vécu. Il est important de réfléchir en terme de “vécu personnel” et non en terme de “situation”. D’un point de vue systémique, une situation n’est jamais fixe, elle évolue en permanence en fonction des changements de son environnement.
Les enfants, lorsqu’ils se retrouvent dans une situation qu’ils ressentent comme “inconfortable” (aller en cours alors qu’il n’ont pas bien appris leur leçon, vouloir acheter quelque chose que vous lui refusez, partir de la maison faire des études..) pourront adopter des attitudes, qui, si le parent n’a pas conscience de ses propres émotions, pourront faire réapparaitre en lui un sentiment de culpabilité:
- un “j’ai peur de partir en classe verte” peut devenir dans votre esprit “je l’ai trop couvé, c’est ma faute maintenant s’il ne sait rien faire tout seul“
- ou “ je suis fatigué pour aller à l’école” peu devenir dans votre esprit “c’est ma faute, je lui ai demandé de réviser son contrôle hier soir“.
L’objectif de mes propos, ici, n’est pas de vous indiquer le comportement parental qui serait à mettre en place pour “résoudre une difficulté” avec votre enfant1, car comme nous l’avons déjà vu, votre situation est unique et une réponse généraliste pourrait ne pas être adaptée à votre réalité2.
Mon intention est de vous faire prendre conscience que la réponse/l’attitude que vous allez peut-être choisir d’adopter sera , plus ou moins, influencée par vos propres émotions, votre vécu. Alors que l’éducation, le fait “d’élever son enfant” ne devrait être axé que sur l’enfant lui-même et ses propres besoins.
Pouvoir prendre suffisamment de recul avec ses émotions, entendre et prioriser les besoins de son enfant est une tâche difficile, voire impossible à tenir 7j/7 et 24h/24. C’est pourquoi, de plus en plus de spécialistes de l’enfance cherchent à déculpabiliser les parents en expliquant que le parent parfait n’existe pas.
Une méthode intéressante, pour vous aider dans votre quotidien, pourrait être de réfléchir en terme “de choix et d’objectifs”. En effet en se fixant des objectifs “éducatifs”, ceux-ci pourront servir de sorte de “boussoles” dans votre quotidien.
Toute éducation passe par des choix3, et comme à chaque fois, lorsque nous faisons un choix, nous devons en accepter les bénéfices ET les conséquences. Dans l’éducation de ses enfants il est indispensable d’identifier les bénéfices de ses choix ; le ou les objectifs, à moyen ou long terme, que nous visons en faisant ce choix.
Par exemple, un parent qui déciderait que le développement de l’autonomie est un point central de son éducation, pourra faire différents choix : laisser son enfant rentrer seul de l’école, prendre seul le bus, préparer seul ses affaires…
En faisant ce choix de manière éclairé, son parent aura accepter:
1. le bénéfice = mon enfant est autonome
2. ET la conséquence = mon enfant sera seul (durant le trajet, à la sortie de l’école…) DONC voici ce que je dois mettre en place pour remplir mon rôle de parent :
- veiller à sa sécurité, au respect de son développement psychomoteur (par exemple, je ne demande pas à un enfant de 5 ans de rentrer seul !)
- si je ne vais pas chercher mon enfant à l’école, je n’ai plus de contact avec l’enseignant donc je prévois une/des rencontre(s) dans l’année pour faire un point car le lien famille/école est indispensable
- comme je laisse mon enfant se débrouiller seul, je prévois de passer de “vrais” moments en tête à tête avec lui régulièrement dans la semaine.
En prenant le temps d’éclaircir ses choix en matière d’éducation, en les traduisant en termes “d’objectifs” cela permet aux parents, de se distancier de leurs émotions propres.
Prendre conscience des bénéfices et des conséquences de leurs choix permet de mettre en place les “actions” nécessaires au bien-être de son enfant, ce faisant, le sentiment de culpabilité perdra de sa force et influencera de manière moindre le positionnement parental.
4. S’écouter et se pardonner
Afin que la culpabilité ne soit pas l’unique guide dans nos choix éducatifs, il nous faut apprendre à composer avec elle, car n’éprouver aucun sentiment de culpabilité serait tout aussi, sinon plus, préoccupant.
Pour apprendre à “composer avec sa culpabilité” encore faut-il s’avoir s’écouter avec suffisamment de bienveillance pour la reconnaître. En la reconnaissant, on peut la “regarder en face” et tenter de la comprendre, c’est à dire savoir d’où elle vient et pourquoi. Ponctuellement, et en fonction des situations, l’appui d’un professionnel peut être nécessaire.
Reconnaître ses “failles” permet au parent d’être mieux préparer face à ses enfants, qui, sans en avoir conscience, savent parfaitement “appuyer là où ça fait mal”.
Si vous avez des difficultés à cerner vos “failles”, celles qui sont liées à des “émotions négatives”, faites donc confiance à vos enfants !
Y a-t-il un comportement, des paroles, des moments où vous vous sentez particulièrement vulnérables, touchés, exaspérés? Essayez de repérer les points communs. Généralement ce qui vous déstabilise le plus est lié à votre “émotionnel”.
Je peux tenter de m’appuyer sur mon propre vécu pour expliciter cela:
Alors que j’ai travaillé pendant une vingtaines d’années, j’ai un jour décidé de m’accorder “une pause”. A cette époque mon mari travaillait énormément et je gérais donc l’ensemble des tâches familiales (ce qui au final ne ressemblait pas du tout à la “pause” espérée!).
Pendant une période, mon fils, a été en difficulté à l’école. A la maison il se montrait très agité et insolent. Alors qu’il refusait, à nouveau, de faire ses devoirs, je me suis rendue compte qu’il avait trouvé un “bouton” qui me faisait systématiquement réagir :
–“toi, tu ne sais pas ce que c’est d’être fatiguée puisque tu fais rien de la journée!”.
Il a fallu qu’il répète ce scénario 3 ou 4 fois pour que je prenne conscience de ce que cette phrase induisait chez moi: de la culpabilité.
C’était exactement mon sentiment à ce moment là, j’avais l’impression de ne “rien faire d’important” et pourtant j’étais épuisée, fatiguée de mes activités de “mère au foyer” . Je commençais à regretter mon choix. Je me sentais frustrée et mon fils l’avait ressenti.
Après avoir pris conscience de mes émotions et de ces conséquences en termes éducatifs (car, à l’évidence, mes punitions n’avaient, en aucun cas, fait évoluer favorablement la situation), j’ai compris que je devais, en premier lieu, travailler sur mes propres émotions, les écouter, afin que celles-ci n’interfèrent plus dans ma relation avec mon fils .
Une fois que les choses étaient “digérées” de mon côté, étrangement mon fils n’a plus jamais fait cette remarque. Mes réponses éducatives, à son agitation, ont été plus adaptées, car, débarrassée de mon sentiment de culpabilité, je pouvais vraiment “entendre et écouter ses besoins” ce qui a permis d’entamer une évolution favorable.
Une “réponse parentale” guidée par des émotions que l’adulte n’aurait pas encore assimilée, acceptée, parfois encore non consciente, n’est généralement pas adaptée aux besoins de votre enfant. Votre “réponse”, celle que vous allez faire, dire (ou crier) n’est qu’une façon de chercher à reprendre le dessus de votre propre situation, là où vous vous sentez coupable, incompétent..
Afin de pouvoir se centrer sur les besoins de son enfant, et donc adopter une réponse éducative adaptée, il est important de prendre conscience de ses émotions et de son éventuelle culpabilité.
En prendre conscience est une première étape importante car cela vous permettra de comprendre que votre attitude parentale est liée à cette émotion et donc de pouvoir vous pardonner !
Vous n’êtes pas un “sur-homme”, vos émotions font parties de vous et vous n’avez pas à vous en excuser. Vos émotions, vos sentiments font de vous ce que vous êtes aujourd’hui.
En tant que parents, nous cherchons à faire de notre “mieux” et c’est l’essentiel: la volonté de faire au mieux avec ses propres moyens dans la situation où nous sommes.
Certaines personnes, de part leur vécu très douloureux, peuvent avoir besoin de l’accompagnement d’un professionnel pour être soutenu dans leur cheminement personnel et prendre conscience de leurs émotions. Quand une situation devient trop compliquée pour vous et/ou votre famille, il ne faut pas hésiter à se faire aider.
Être parent est, comme vous l’aurez compris, loin d’être un long fleuve tranquille.
Élever un enfant, fait écho, sans que nous en aillons toujours conscience, à notre histoire, notre vécu.
Il est utopique de croire que nos émotions n’entravent jamais nos décisions et nos comportements vis à vis de l’éducation de nos enfants. Tout humain est constitué de multiples émotions, et heureusement !
Prendre conscience de nos sentiments de culpabilité, de remords et les accepter est une étape importante pour nous éviter qu’ils ne viennent entraver la relation parent/enfant.
Sabrina
Notes de bas de pages/Sources:
- à ce propos vous pouvez lire les livres “J’ai tout essayé” et “il me cherche” d’Isabelle Filliozat. Trés clair, accessible pour tous les parents. ↩︎
- Voir l’article “Éducation : Il n’y a pas UNE mais DES vérités ! #1” – site Workyt. ↩︎
- choix qui doivent toujours respecter ces principes : Amour, Respect, Écoute, Protection ↩︎
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