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L’art, l’artisanat et le design dans l’Allemagne d’après-guerre. C’est dans ce contexte sombre, mais avec une vision optimiste de l’avenir, qu’est né le Bauhaus : une école basée sur l’apprentissage de l’art et de l’artisanat, visant à former des individus pluridisciplinaires dans une société en reconstruction, tout en repensant le design. Ce modèle éducatif a répondu à une crise mondiale et continue d’influencer notre conception du design depuis les années 1920 jusqu’à aujourd’hui.
Une question se pose alors : ce modèle aurait-il pu émerger dans un autre contexte ?
L’émergence : contexte et expression
Après la Première Guerre mondiale en 1918, l’Allemagne traverse une période de conflits sociaux et de crise économique. C’est dans ce contexte qu’un acteur clé de la création du Bauhaus, Walter Gropius, fait son apparition.
Architecte allemand, Gropius avait été membre du Deutsche Werkbund, une association d’artisans allemands cherchant à intégrer l’artisanat traditionnel aux techniques industrielles de production de masse afin de rendre l’Allemagne plus compétitive par rapport à des pays comme la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Gropius pensait que le nouveau designer devait être formé dans une école adoptant une approche différente de celle des académies traditionnelles, qui valorisaient la création d’œuvres uniques et non reproductibles. Cependant, il estimait que les méthodes des écoles d’art et d’artisanat étaient également insuffisantes, car elles n’incluaient pas la possibilité d’améliorer la qualité de la création.
En avril 1919, Gropius prend la direction de l’ancienne université des beaux-arts de Weimar et la fusionne avec l’école des arts et métiers, fermée en 1915. Il nomme cette nouvelle école “Staatliches Bauhaus” (Staatliches : État ; Bau : Construction ; Haus : Maison), un nom qui fait référence à la Bauhütte médiévale, les loges des artisans et bâtisseurs des cathédrales gothiques.
Ces loges incarnaient le travail collaboratif et la transmission des connaissances, une inspiration pour Gropius, qui souhaitait intégrer diverses disciplines dans l’enseignement du design, en rompant avec les méthodes académiques et artisanales traditionnelles.
Son concept éducatif visait à mettre sur un pied d’égalité la qualité industrielle, l’artisanat et les beaux-arts.
Un programme éducatif novateur
Le Bauhaus a mis en œuvre un système d’ateliers semestriels, allant de la sculpture sur bois et pierre à la peinture décorative, la menuiserie, la céramique, entre autres, avec de grands artistes comme enseignants. Le parcours de l’étudiant était structuré en trois étapes : apprenti, compagnon, puis maître, permettant ainsi aux élèves de développer leurs compétences artistiques et personnelles. Le cursus commençait par un cours préliminaire, destiné à explorer la personnalité et la créativité de chaque étudiant, un concept encore utilisé dans de nombreuses écoles à travers le monde.
Le premier bâtiment du Bauhaus se trouvait à Weimar, centre du nouveau pays, où Gropius cherchait à repenser le design en harmonie avec la reconstruction de la société. Dans ce contexte d’après-guerre, le manifeste du Bauhaus proclamait « le réveil après la fin de la Première Guerre ».
Une école qui a révolutionné le design
Avec son modèle éducatif novateur, le Bauhaus est considéré comme la première école de design au monde, bien qu’elle n’ait duré que 14 ans. Oskar Schlemmer, peintre, sculpteur et designer allemand, résumait ainsi la philosophie du Bauhaus : « Face aux besoins économiques actuels, notre tâche doit être de rechercher la forme la plus simple pour chaque besoin de la vie, tout en conservant une dignité et une solidité ».
Johannes Itten, un des premiers enseignants, a développé un système unique d’éducation basé sur la stimulation de l’activité individuelle par l’exploration de matériaux divers.
Marcel Breuer, à la tête des ateliers de mobilier, a conçu des meubles en acier tubulaire, légers, fonctionnels et économiques, comme la célèbre chaise Wassily.
Herbert Bayer, élève puis enseignant en typographie, a conçu en 1925 une police géométrique sans empattement, simplifiant l’alphabet en formes basiques et dont la version numérique s’appelle Architype Bayer.
Afin d’encourager l’interaction entre les élèves et les élèves/enseignants du Bauhaus, des soirées costumées à thème, créées par les élèves eux-mêmes, ont été organisées.
Il s’agissait d’un élément important de l’approche sociale et créative de l’école, qui favorisait le sentiment d’appartenance à la communauté. De plus, ces fêtes permettaient d’intégrer la population locale aux activités du Bauhaus, créant ainsi un lien entre l’école et la communauté.
Cet aspect festif et communautaire reflète l’une des idées fondamentales du Bauhaus, à savoir que l’art, le design et la vie quotidienne doivent être liés.
Un héritage mondial
1ère phase (1919-1927) – Directeur : Gropius – Lieu : Weimar (1919-1925), et Dessau (1925-1927)
C’est au cours de cette étape qu’est réalisé le premier projet de construction d’une école : la Maison am Horn à Weimar, aménagée par les ateliers. En 1922, les produits de l’atelier, considérés comme bons, sont marqués d’un cachet.
L’école, comme toutes les écoles publiques dépendant de l’approbation et des subventions de l’État, est constamment menacée par des problèmes politiques et, en 1925, il devient impossible de continuer à travailler, si bien que le Bauhaus est déclaré dissous.
Le conseil municipal de Dessau décide de transformer le Bauhaus en école municipale et s’y réinstalle pour poursuivre le cycle d’enseignement. Walter Gropius annonce une nouvelle mission : le « développement de l’habitat contemporain », qui doit aller du simple appareil ménager à la maison finie.
À partir de 1926, le Bauhaus est reconnu comme une université de design.
En 1927, le département d’architecture est inauguré avec Meyer comme directeur, et la réunification des disciplines artistiques (sculpture, peinture, arts décoratifs et artisanat) est proposée pour une nouvelle approche de l’architecture.
2ème phase (1928-1930) – Directeur : Meyer – Lieu : Dessau
En 1928, Gropius est obligé de partir et propose Meyer comme nouveau directeur de l’école. La mission change et consiste à éliminer tout aspect esthétique, les objets étant davantage liés à la nécessité et à la fonctionnalité.
3ème phase (1930-1933) – Directeur : Mies Van Der Rohe – Lieu : Dessau (1930-1932), et Berlin (1932-1933)
En 1930, Gropius propose Van der Rohe comme nouveau directeur du Bauhaus. La mission de l’école change à nouveau, divisant la formation en plusieurs départements : construction et extension, tissage, photographie et beaux-arts, avec un accent renouvelé sur les questions esthétiques.
En raison de pressions politiques, l’école est forcée de déménager une nouvelle fois, cette fois à Berlin. En 1933, les tensions politiques obligent le Bauhaus à fermer ses portes. Sa réouverture est conditionnée par le remplacement d’enseignants tels que Wassily Kandinsky et Ludwig Hilberseimer par d’autres qui s’alignent sur les idées du national-socialisme, et par l’adoption d’un nouveau programme d’études conforme aux exigences du régime. Il n’en fut rien et le Bauhaus fut définitivement dissous.
Les idées du Bauhaus se sont diffusées au-delà du monde et ses membres ont émigré aux États-Unis, en Suisse, en Russie, en Israël et dans de nombreux autres pays. Ces artistes et architectes ont emporté avec eux les principes de design et de pédagogie du Bauhaus, influençant profondément le développement de l’art, de l’architecture et du design modernes dans le monde entier.
Ainsi, l’héritage du Bauhaus s’est perpétué, s’adaptant et évoluant dans différents contextes culturels à travers le monde jusqu’à aujourd’hui.
Visiter le bâtiment du Bauhaus à Berlin
Aujourd’hui, le bâtiment situé à Berlin fait office d’archives et de musée du design du Bauhaus. Il possède la plus grande collection du Bauhaus au monde, avec près d’un million d’objets. Bien qu’il soit actuellement fermé pour rénovation, un espace temporaire a été aménagé à Berlin-Charlottenburg, sous le nom de « temporary bauhaus-archiv » (archives temporaires du Bauhaus). Cet espace propose des expositions interactives et des ateliers qui explorent des thèmes liés au Bauhaus, mais n’expose pas de pièces originales de la collection en raison de limitations techniques.
Le musée temporaire est ouvert du lundi au samedi, de 10h00 à 18h00, et fermé le dimanche et les jours fériés. Les visites sont ouvertes au grand public et l’entrée est gratuite.
Bibliographie
- Frampton, Kenneth. Histoire de l’architecture moderne.
- Withford, Frank. Le Bauhaus.
- Gropius, Walter. Bauhaus 01 International Architecture (1925).
- Sites web : www.bauhaus.de, www.historiadeltraje.com
- Montoro, Claudia. « La Bauhaus. A 100 años del inicio de la Escuela de Diseño (1919-1933) ». Magazine Polis, n° 16 (2019).
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