Bring Me the Horizon : l’hybridation d’une génération

Il y a des groupes qui se contentent de suivre une ligne, de rester fidèles à une esthétique et de parler à une niche. Et puis il y a ceux qui décident, parfois inconsciemment, d’incarner les métamorphoses d’une époque entière. Bring Me the Horizon, souvent abrégé en BMTH, appartient sans conteste à cette seconde catégorie.

Nés dans les marges du deathcore le plus brutal au milieu des années 2000, les Britanniques ont traversé les modes, les scandales, les évolutions de la musique et les bouleversements d’une génération qui ne se reconnaissait plus dans les cases. Vingt ans après leurs débuts, le groupe d’Oli Sykes s’est imposé comme l’un des projets les plus hybrides de la scène rock /metal internationale, capable de remplir des stades avec des hymnes électro-pop tout en gardant le respect d’un public attaché à leurs racines extrêmes.

L’histoire de Bring Me the Horizon est celle d’un voyage du chaos vers la transformation, une quête où l’expérimentation, la provocation et la vulnérabilité se sont entremêlées. Pour comprendre leur impact, il faut revenir au début, là où tout semblait indiquer qu’ils ne survivraient pas plus de deux albums.

Bring Me The Horizon
Bring Me The Horizon” de jasoncoxphoto sous licence CC BY-NC-ND 2.0

Les débuts de Bring Me the Horizon : Sheffield, sueur et deathcore

Nous sommes en 2004, à Sheffield, une ville industrielle du nord de l’Angleterre. Le paysage musical britannique est alors dominé par l’indie rock et les derniers échos de la britpop. À mille lieues de ces sons polis, un groupe de jeunes adolescents menés par Oliver Sykes, tatoué avant même d’avoir l’âge légal pour l’être, se lance dans un projet radical. Leur nom, inspiré d’une réplique du film Pirates des Caraïbes (“Now, bring me that horizon”), n’a rien de particulièrement metal, mais leur musique, elle, se veut une déflagration.

Avec leur premier album Count Your Blessings (2006), BMTH s’inscrit dans la mouvance du deathcore, un sous-genre extrême mêlant la brutalité du death metal et les cassures rythmiques du hardcore. Le disque est violent, presque caricatural par endroits, et il divise la critique. On leur reproche un son trop brouillon, un manque de maturité. Mais en réalité, le groupe attire déjà l’attention par son énergie incontrôlée et son esthétique provocatrice. Sur scène, Oli Sykes éructe, se jette dans la foule, incarne l’excès et la rage adolescente. Autour de lui, le guitariste Lee Malia, le batteur Matt Nicholls et le bassiste Matt Kean posent les bases d’un collectif qui apprendra à évoluer sans jamais se renier.

À ce stade, peu auraient parié sur la longévité du groupe. Mais BMTH a déjà cette force : ils refusent de rester enfermés dans une case. Leur deuxième album va en témoigner.

Suicide Season : la première métamorphose

En 2008, le groupe sort Suicide Season. Le titre annonce la couleur : on est loin des clichés du metalcore adolescent. L’album reste agressif, mais les compositions gagnent en structure, en mélodie et en ambition. Pour la première fois, BMTH parvient à séduire au-delà du cercle des fans de deathcore. Des morceaux comme Chelsea Smile ou The Sadness Will Never End deviennent emblématiques d’une génération qui cherche à exprimer ses tourments avec une intensité nouvelle.

Cet album est souvent considéré comme le véritable point de départ du groupe. C’est là que BMTH comprend que la violence brute n’est pas suffisante, qu’il faut aussi créer des hymnes, des refrains fédérateurs, et donner une esthétique à leur chaos. Le clip de Chelsea Smile, violent et stylisé, incarne parfaitement cette volonté de chocs visuels et sonores.

Mais ce n’est qu’une étape. La vraie révolution arrive avec There Is a Hell, Believe Me I’ve Seen It. There Is a Heaven, Let’s Keep It a Secret (2010). Avec ce titre à rallonge, BMTH s’autorise des expérimentations électroniques, des orchestrations et des collaborations (notamment avec Lights). Le groupe commence à brouiller les genres, à mélanger l’extrême et le mélodique, et à esquisser le chemin qui le mènera bien au-delà du metalcore.

Bring Me The Horizon en concert sur scène
Bring Me The Horizon” de FARAONDEMETAL sous licence CC BY-NC-SA 2.0

Sempiternal : la consécration

2013 marque une année décisive. BMTH sort Sempiternal, leur quatrième album, et c’est une véritable claque. Produit avec l’aide de Jordan Fish, claviériste et compositeur fraîchement intégré, le disque transforme radicalement le son du groupe. Les influences électroniques deviennent centrales, les refrains explosent, et le groupe trouve enfin l’équilibre entre brutalité et accessibilité.

Des titres comme Can You Feel My Heart, Sleepwalking ou Go to Hell, for Heaven’s Sake deviennent instantanément des hymnes. L’album propulse BMTH dans une autre dimension : ils passent de groupe de niche à phénomène mondial. Sempiternal devient un classique du metal moderne, un album générationnel qui parle de dépendance, de douleur, de rage intérieure, mais aussi d’espoir. Sur scène, la communion avec le public atteint un niveau inédit.

C’est aussi à cette époque qu’Oli Sykes se dévoile comme un frontman charismatique et fragile à la fois. Ses addictions, ses excès, ses confessions publiques en font une figure complexe, capable d’incarner à la fois la destruction et la reconstruction. Le groupe, loin de s’effondrer, se nourrit de cette sincérité et en sort grandi.

Clip de Sempiternal (2013)

That’s the Spirit : virage vers le mainstream

En 2015, BMTH ose ce que beaucoup de groupes metalcore n’auraient jamais osé : un album presque pop-rock. That’s the Spirit abandonne la plupart des screams au profit de chants clairs, de mélodies accrocheuses et de structures taillées pour les radios. Les singles Throne, Happy Song ou Drown deviennent des tubes planétaires. Certains fans crient à la trahison, mais beaucoup comprennent que le groupe cherche à élargir son horizon.

Ce virage vers le mainstream est en réalité une étape logique. BMTH ne renie pas son passé, mais il refuse de s’y enfermer. Le groupe attire désormais un public bien plus large, de jeunes auditeurs qui n’avaient jamais écouté de metal auparavant. Leurs concerts deviennent des spectacles visuels impressionnants, mêlant pyrotechnie, écrans géants et esthétique soignée. Oli Sykes, autrefois symbole d’excès, se transforme en leader charismatique, presque messianique sur scène.

Amo : l’album de la rupture

Avec Amo (2019), BMTH va encore plus loin dans l’expérimentation. Le disque explore des sonorités électroniques, pop, parfois même proches du RnB. On y trouve des collaborations avec Grimes (nihilist blues) et Dani Filth de Cradle of Filth (wonderful life), preuve que le groupe refuse de se laisser cataloguer. Les thèmes abordés tournent autour de l’amour, de ses illusions et de ses blessures, un contraste avec les obsessions sombres du passé.

Cet album divise à nouveau, mais confirme une chose : BMTH n’est pas un groupe qui se contente de recycler une formule. Chaque disque est une prise de risque, quitte à perdre des fans en route. Mais c’est précisément cette audace qui fait leur singularité et leur longévité.

Oli Sykes de Bring Me The Horizon
Bring Me The Horizon” de jasoncoxphoto sous licence CC BY-NC-ND 2.0

La saga Post Human : laboratoire créatif

En 2020, le groupe lance une série d’EPs intitulée Post Human. Le premier, Survival Horror, revient à un son plus heavy, mélangeant metalcore, électro et collaborations variées (Yungblud, Amy Lee d’Evanescence). L’EP est un succès et montre que BMTH sait encore parler aux fans de leurs débuts tout en restant connectés aux tendances actuelles.

L’idée de Post Human est claire : proposer une série d’expérimentations, chaque volet explorant une facette différente de l’identité du groupe. C’est une manière d’assumer leur pluralité et de montrer qu’ils ne sont plus un groupe de metalcore, ni même un simple groupe de rock, mais un projet musical hybride qui incarne l’esprit d’une génération décloisonnée.

Clip de Parasite Eve (2020)

Une esthétique générationnelle

Au-delà de la musique, BMTH a toujours soigné son image. Les tatouages d’Oli Sykes, son style oscillant entre punk, goth et mode urbaine, les visuels travaillés des albums, les clips stylisés : tout participe à créer un univers cohérent. Le groupe a aussi su utiliser les réseaux sociaux pour cultiver une proximité avec ses fans, incarnant cette génération pour qui l’identité musicale est aussi visuelle et communautaire.

Leur esthétique a influencé une vague entière de jeunes artistes, du metalcore à l’emo rap. Ils ont montré qu’il était possible d’être à la fois extrême et accessible, sombre et lumineux, underground et mainstream.

Conclusion : Bring Me the Horizon, l’horizon toujours ouvert

Bring Me the Horizon n’est pas un groupe figé dans une époque. Ils ont commencé comme un groupe de deathcore adolescent que beaucoup pensaient éphémère, et ils sont devenus l’un des projets les plus audacieux et les plus influents du rock moderne. Leur secret ? Ne jamais avoir peur de changer, quitte à déplaire, et toujours chercher à repousser les limites de ce que peut être la musique rock / metal au XXIe siècle.

Aujourd’hui, BMTH incarne l’idée même d’un horizon ouvert. Ils ne sont plus seulement un groupe : ils sont le miroir d’une génération qui refuse les étiquettes, qui mélange les genres, qui assume ses contradictions. Et c’est précisément cette capacité à évoluer, à surprendre, à choquer parfois, qui garantit que leur histoire est loin d’être terminée.

Sources

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Développeuse dans le domaine du nucléaire, je suis passionnée par la linguistique et l'informatique. Je vous partage mes connaissances sur Workyt ! :)