Résumé du roman
Les Villes invisibles est un roman… sans vraiment en être un. Italo Calvino joue à mélanger les genres. C’est un roman sans intrigue, sans suspense, presque sans action. Tous les évènements se résument en une phrase : Marco Pablo décrit les villes qu’il a découvertes à Kublai Khan, un empereur mongol.
L’intérêt de ce livre réside donc dans la plume de son auteur et dans les idées qu’il apporte. Il réfléchit sur le langage, la littérature, sur ce qui fait une ville, ce qui pousse à sa construction.
« Je pense avoir écrit une sorte de dernier poème d’amour aux villes »
Préface, traduction de Martine Van Geertruyden
La structure
Le livre est divisé en neuf parties, chacune commence et se termine par les échanges entre les deux hommes, les deux seuls personnages. À l’intérieur se trouvent quelques chapitres qui traitent chacun d’une ville en une ou deux pages à peine. Les villes sont réparties entre onze grands thèmes, comme « Les villes et les signes », « Les villes continues » ou « Les villes et les morts ».
C’est loin d’être une leçon de géographie : aucune de ces villes n’existe (ou presque). Elles sont parfois très extravagantes et improbables. D’autres villes, à l’inverse, ressemblent très étrangement à nos mégalopoles modernes, comme Léonie, la ville où chaque chose est renouvelée tous les jours, et qui s’agrandit avec des montagnes d’ordures. Italo Calvino alterne entre passé, dystopie et fantaisie, pour peindre des paysages parfois réconfortants, parfois effrayants. Chaque ville illustre une idée, pose une question.
La portée philosophique du livre
Ce roman est une très bonne porte d’entrée vers la philosophie, car il nous met face à des phrases bizarres comme « L’étrangeté de ce que tu n’es plus ou ne possèdes plus t’attend au passage dans les lieux étrangers et jamais possédés » (page 37, édition Points), qu’on ne comprend absolument pas, mais qui retourne quelque chose en nous. Les Villes invisibles traite de tellement de sujets qu’il y en a forcément un qui restera avec vous, que vous voudrez creuser, qui vous fera poser le livre cinq minutes, pour y réfléchir : et c’est là toute la base de la philosophie !

Un exemple de ville : Tecla
Pour comprendre cette idée, on peut regarder de plus près Tecla. C’est une ville qui est continuellement en travaux. Quand les gens de passage demandent « Où est le plan que vous suivez, le projet ? ». Les habitants répondent « Voilà le projet » une fois que la nuit et les étoiles sont apparues, et que le chantier s’est arrêté. La première fois que j’ai lu ce passage, j’ai tout de suite pensé que le message était que ce qui est le plus important et le plus beau n’est pas les constructions humaines, mais ce qui existe déjà dans la nature.
Mais on peut le voir autrement : le projet c’est le moment où ils s’arrêtent de travailler, un peu comme quand on attend désespérément le week-end. Dans ce cas, pourquoi se donner autant de mal alors que ce que l’on cherche est l’opposé de notre travail ? Ou bien, à l’inverse, le but n’est pas dans l’objet fini, mais justement dans sa construction. À mon sens, il ne s’agit pas de trouver ce qu’a vraiment voulu dire Italo Calvino, mais plutôt de tenter de répondre par nous-mêmes aux questions qu’il pose.
Le style d’Italo Calvino
Le style de l’auteur est assez sobre, avec des phrases simples. C’est perturbant, car c’est mélangé à un vocabulaire très technique et opaque. Si vous ne voulez pas vous munir d’un dictionnaire, ce n’est vraiment pas un problème, on peut très bien comprendre sa prose sans.
Il est important de prévenir qu’à certains endroits, Italo Calvino utilise un vocabulaire insultant et daté qui pourrait choquer certains lecteurs et qui n’est plus acceptable aujourd’hui.
Mes recommandations
J’attribue la note de 5/5 aux Villes invisibles. Bien sûr, si l’on s’attend à des rebondissements et des histoires d’amour, on risque d’être déçu. De mon point de vue, le roman reste néanmoins addictif. Il est très agréable à lire et la plume d’Italo Calvino donne envie de poursuivre la lecture. Le fait que les chapitres soient si courts est très engageant. Même si une ville ne vous plaît pas, elle est vite traversée ! Si vous l’avez lu et beaucoup aimé, je vous recommande de continuer votre route avec Si par une nuit d’hiver un voyageur, un autre roman complètement hors norme d’Italo Calvino, qui, cette fois-ci, plonge dans le monde de la littérature (de manière assez littérale).
Pour découvrir une autre réflexion sur le livre : Invisible Cities and the Limits of Reading
Pour découvrir d’autres pistes de lecture : Lecture – Workyt














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