OMS - Infographie sur le droit à l'avortement - Mars 2024

La liberté d’avorter, un droit français

A 15, 20, 25 ans, que l’on soit adolescente, jeune femme, en France, en 2024, l’avortement peut sembler un sujet lointain, ou peut-être ne l’est-il, déjà, pas tout à fait, voire plus du tout.

A 15, 20, 25 ans, que l’on soit adolescente, jeune femme, en France, en 2024, l’avortement peut sembler un sujet lointain, ou peut-être ne l’est-il, déjà, pas tout à fait, voire plus du tout.

A 15, 20, 25 ans, que l’on soit adolescente, jeune femme, en France, en 2024, l’avortement peut sembler un sujet lointain. Mais il se trouve qu’en 2022, 2.9% des IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) ont été pratiquées sur des mineures, soit 6 793 avortements sur les 234 253 réalisés. Informer sur ce droit avant ou au début de toute vie sexuelle est important pour y être préparée en cas de besoin, car interrompre une grossesse n’est jamais anodin.

Avorter, en pratique

En 2024, en France, toute femme, mineure ou majeure, peut demander une IVG jusqu’à 14 semaines de grossesse (ou 16 semaines d’aménorrhée, soit 16 semaines après le 1er jour des dernières règles). Cet acte se réalise en toute confidentialité, voire anonymement. Pour une mineure, aucune autorisation parentale n’est demandée mais il faut cependant être accompagnée d’une personne majeure. Seule la jeune fille ou la femme concernée peut en faire la demande.

Une interruption de grossesse peut être réalisée par voie médicamenteuse ou instrumentale, selon le choix de la patiente et l’avancée de la grossesse. Plusieurs temps sont nécessaires : un premier entretien avec un médecin ou une sage-femme visant à obtenir des informations et poser toutes les questions souhaitées. Un second temps permet de confirmer le choix de pratiquer l’interruption de grossesse et d’effectuer celui de la méthode. Pour les mineures, un entretien psycho-social est obligatoire entre ces deux temps. Les femmes majeures peuvent en bénéficier si elles le souhaitent.

La rencontre avec un médecin ou une sage-femme peut se faire en cabinet libéral, en centre ou établissement de santé (hôpital, clinique), en centre de santé sexuelle (anciennement, centre de planification), voire même par téléconsultation si le professionnel le propose.

L’entretien psycho-social est réalisé avec un professionnel qualifié en conseil conjugal et familial. Au choix, dans un centre de santé sexuelle, un service social agréé ou un Espace Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle (EVARS).

Le délai légal est passé de 12 à 14 semaines en 2022 suite à la loi du 2 mars 2022. Cette loi a également supprimé les délais obligatoires entre les différents entretiens.

Ce droit est garanti à toutes les femmes en France et est totalement gratuit et remboursé.

Les différentes méthodes disponibles pour avorter
Infographie sur l’Interruption Volontaire de Grossesse – Source : ivg.gouv.fr

Retour sur le droit à l’avortement en France : un long chemin avant la liberté

L’avortement est autorisé en France à la promulgation de la loi Veil du 17 janvier 1975 qui le dépénalise enfin. Après une période expérimentale, elle est reconduite sans limite de temps le 31 décembre 1979.

Cette loi dépénalise dans le même temps l’IVG en situation de détresse ou pour motif médical et complète une loi de décembre 1974 permettant l’accès à la contraception de manière anonyme et gratuite, pour les mineures, sans limite d’âge. La loi Neuwirth de 1967 ne l’autorisait alors que pour les femmes majeures, c’est à dire au delà de 21 ans à l’époque.

Bien avant 1967, au Moyen Age, c’est la religion, à savoir le christianisme, qui interdit et sanctionne l’avortement. Si le siècle des Lumières permet à l’avortement de ne plus être passible de la peine de mort, un revirement a lieu au 19ème siècle en le rendant criminel. Le code pénal de 1791 condamne l’avortement et celui de 1810 rend toute personne le pratiquant passible d’une peine de prison. En 1852, même si le motif thérapeutique est toléré par l’Académie de Médecine, une nouvelle loi en fait un crime contre les familles et la moralité. Au début du 19ème siècle, le nombre d’avortements clandestins pratiqués par les “faiseuses d’anges” est estimé à 500 000 et occasionne environ 300 décès féminins par an.

La Première Guerre Mondiale et sa chute démographique conduisent à des politiques natalistes qui pénalisent encore plus l’avortement. La loi de 1920 rend les contrevenants passibles de prison et d’amendes ; la contraception est alors jugée comme un crime tout comme l’avortement.

Confiée tout d’abord à des jurys populaires plus compréhensifs qui sanctionnent peu, cette mission passe un nouveau cap sous le régime de Vichy (1942) en étant confiée à des tribunaux correctionnels composés de magistrats. Une loi rend alors de nouveau l’avortement passible de la peine de mort et des “faiseuses d’anges” seront même guillotinées. Le chiffre des condamnations monte en flèche en passant d’environ 300 par an à plutôt 3 800. Mais il redescend dès la Libération et s’approche de zéro dans les années 60/70, anticipant la dépénalisation à venir et faisant suite à de nombreux mouvements de revendication dès les années 50.

Dès le début des années 70, les mouvements féministes revendiquent le droit à l’avortement. Ces mouvements se basent sur le fait que l’accès à la contraception est insuffisant, que l’avortement relève du droit à disposer de son corps et dénoncent les conditions sanitaires dans lesquelles se pratiquent les IVG clandestines.

Si une proposition de loi en 1970 visant à autoriser l’avortement aux victimes de viol ne sera jamais votée, le procès de Bobigny marque un tournant en 1972 : la jeune fille, lycéenne de 16 ans, violée par un garçon de son lycée est relaxée. Sa mère est condamnée à une amende jamais appliquée, les deux amies n’ayant pas participé à l’avortement seront simplement relaxées alors qu’elles revendiquaient leur implication et celle l’ayant pratiqué, condamnée à une peine de prison avec sursis et une amende.

Ce procès est porté par l’avocate Gisèle Halimi qui en fait une tribune politique pour l’avortement. Elle est soutenue par de nombreuses personnalités dont Simone de Beauvoir, rédactrice du “Manifeste des 343” publié en 1971 et signé par des femmes ayant eu recours à l’avortement. Le mouvement de lutte pour la dépénalisation qu’elles fondent ensemble en 1971, Choisir la cause des femmes, aura une forte influence sur la mobilisation populaire autour du procès. Ce mouvement est aujourd’hui une association pour les droits des femmes.

Suite au procès de Bobigny, il apparait évident qu’il n’est plus possible d’appliquer la loi de 1920 et le Ministère de la Justice demande de ne plus poursuivre en justice les avortements. L’avortement devient par la suite autorisé et encadré par la loi Veil en 1975. Néanmoins il faudra attendre le code pénal de 1992 pour que ce ne soit plus simplement une dérogation à un délit.

En 1982, le remboursement de l’avortement par la Sécurité Sociale est voté mais ne sera total qu’en 2013.

En 1993, le délit d’entrave à l’IVG est créé et est étendu aux plateformes numériques en 2016.

En 2001, le délai de grossesse est allongé de 10 à 12 semaines, puis en 2022, de 12 à 14 semaines.

C’est également en 2001 que les mineures sont dispensées d’une autorisation parentale.

En 2013, un site gouvernemental dédié voit le jour ivg.gouv.fr

En 2014, la loi Vallaud-Belkacem supprime la condition de détresse avérée qui perdurait depuis 1975.

Et c’est en 2024 que la France franchit un nouveau cap en faisant de la liberté d’avorter une loi constitutionnelle. Un cas unique au monde.

2024, une nouvelle avancée pour les femmes françaises, mais des droits en recul dans différents pays du monde

Si les Françaises peuvent se féliciter de l’avancée réalisée avec l’entrée dans la Constitution de la liberté d’avorter, dans nombre de pays du monde cependant, la situation est bien différente. Ainsi, différents gouvernements remettent parfois en cause ce droit fondamental, même s’il était acquis depuis de nombreuses années.

Aux Etats-Unis, le 24 juin 2022, la Cour Suprême annule l’arrêt Roe vs Wade datant de 1973 et donnant aux Américaines le droit d’avorter dans n’importe quel État. Cette décision de la Cour Suprême de l’époque avait justifié, au nom du respect du droit à la vie privée, qu’une femme puisse librement choisir d’arrêter ou non une grossesse. En l’annulant, elle ouvre la possibilité à ces États d’interdire l’IVG. Rapidement, une dizaine d’États s’est engouffrée dans cette voie en l’interdisant totalement, même en cas de viol ou d’inceste.

Ceci va à l’encontre de belles avancées dans d’autres pays du monde, mais qui restent fragiles.

En 2018, l’Irlande s’orientait vers la dépénalisation de l’avortement après 35 ans d’une loi très restrictive ne l’autorisant qu’en cas de risque de décès de la mère.

En Colombie, en 2022, l’avortement est passé d’un délit à un droit jusqu’à 24 semaines de grossesse. Une décision historique ! Il était auparavant illégal dans le pays sauf en cas de viol.

Le Mexique l’a, quant à lui dépénalisé, en septembre 2023.

En Argentine, légalisé en 2020, le droit à l’avortement est déjà fortement remis en cause suite à l’élection du nouveau président Javier Milei, fin 2023, qui s’y est toujours déclaré opposé. Il a même qualifié cet acte de meurtre lors d’une intervention devant des collégiens et lycéens en mars 2024 et ceux qui avaient voté la loi, d’assassins.

Fin 2023, 75 pays dans le monde autorisent l’avortement avec pour seule condition le nombre de semaines de grossesse, qui peut aller de 5 à 24 selon les pays. Certains autres ne le permettent qu’avec une autorisation médicale ou sous certaines conditions (en cas de viol ou de risque de décès de la mère, par exemple). Dans 24 états, avorter est totalement interdit.

Néanmoins, qu’il soit ou non légal, cela n’influe que peu sur la décision d’une femme à y recourir, quitte à mettre en péril sa vie.

Au total, selon l’Institut Guttmacher travaillant avec l’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé), le taux mondial d’avortement est de 39 pour 1 000 et si l’on distingue les pays où il est autorisé de ceux où il est restreint ou interdit, l’écart est faible. Dans le monde, 6 grossesses non désirées sur 10 se terminent par un avortement et 45% des avortements sont non sécurisés.

Quelques sources :

Autre article à lire sur notre blog : Comprendre les lois anti-IVG aux Etats-unis – Workyt