Le gouvernement et le Président multiplient les annonces depuis plusieurs mois au sujet de l’Éducation nationale, notamment pour le collège et le lycée. Le premier ministre Gabriel Attal a d’ailleurs promis « d’apporter la cause de l’Éducation nationale avec lui » à Matignon. Mais de quoi en retourne-t-il vraiment ? Petit tour d’horizon des différentes annonces gouvernementales sur l’éducation des élèves.
Sommaire
L’obtention obligatoire du brevet des collèges pour le passage au lycée
En décembre 2023, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a annoncé son souhait de rendre l’obtention du brevet obligatoire dès la rentrée 2025. Les 10,9 % d’élèves recalés à leur examen auront alors l’obligation de rejoindre une classe « prépa-lycée » pendant une année. Cette classe viserait à leur donner toutes les clefs nécessaires pour poursuivre leur parcours scolaire. Pourtant, selon une étude datant de 2016, un élève sur deux ayant eu des difficultés au collège a obtenu son bac en fin de lycée.
Le brevet risque également d’être plus difficile à obtenir, notamment en raison de la fin des correctifs académiques (la revalorisation des notes par le ministère) ou encore du rehaussement de l’importance de la note des épreuves, laquelle comptera pour 60% de la note finale, contre 50% auparavant. Gabriel Attal a déclaré s’attendre à une baisse du niveau de réussite, et par conséquent, une augmentation du taux d’élèves en classe prépa-lycée. Un compromis qu’il juge nécessaire pour redonner une valeur au diplôme et rehausser le niveau d’exigence quant à l’évaluation des élèves.
Des directives qui pourraient donc avoir un impact non seulement sur le taux d’obtention du brevet, mais également sur le nombre d’élèves terminant le lycée avec le baccalauréat en poche.
La mise en place des groupes de niveau
Le dispositif de groupes de niveau a pour intention de regrouper les collégiens en trois à cinq groupes suivant leur niveau en français et en mathématiques. Ces groupes sont évolutifs, en d’autres termes, les élèves pourront changer de niveau s’ils parviennent à progresser. Cette mesure devrait s’appliquer dès la rentrée 2024 pour les classes de 6e et 5e et dès 2025 pour les 3e et 4e.
En janvier 2024, le SNPDEN-UNSA (ou premier syndicat des chefs d’établissement) a remis un courrier à l’ex-ministre de l’Éducation nationale Amélie Oudéa-Castéra à ce sujet. Il est entre autres demandé de garantir un financement aux enseignements optionnels dans les établissements publics pour conserver une diversité de formation et par extension, qu’ils ne soient pas remplacés par les groupes de niveau. Il est également signalé dans le courrier que certains groupes de niveaux ne pourront pas entrer dans les emplois du temps des élèves, faute de temps ou de professeurs.
De son côté, le SNES-FSU demande la suppression du dispositif le jugeant discriminant. En effet, ces derniers refusent le tri social des élèves, rappelant que le taux d’échec scolaire peut être parfois corrélé avec le niveau de pauvreté des jeunes. Gabriel Attal a défendu son dispositif en précisant que les élèves en difficulté se sentiront moins stigmatisés en travaillant avec des camarades qui leur ressemblent.
Quant à Nicole Belloubet, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, elle a annoncé avoir conscience du risque de « sélection par l’échec [et du] refus de mixité scolaire et sociale » au sein des classes et a assuré travailler conjointement avec les personnels concernés sur les groupes de niveau pour éviter les inégalités entre élèves.
La généralisation du Service national universel
Dès la rentrée 2026, la généralisation du Service national universel (SNU) prendra vigueur pour les élèves de seconde et plus, ce qui toucherait environ 800 000 élèves. Cette généralisation a été actée par le gouvernement malgré les différents scandales ayant émaillés pendant les tests (différents malaises d’élèves dus à la chaleur, cas d’agressions ou de punitions physiques jugées humiliantes).
Le SNU, qui a été expérimenté par les élèves volontaires de 15 à 17 ans avec un accord parental, propose un parcours en deux phases : la première, un « séjour de cohésion » de deux semaines en collectivité ; la seconde, un « temps de service à la nation » qui comprend d’abord une mission d’intérêt général de 12 jours en bloc ou de 84 heures à répartir sur un an, puis un temps d’engagement facultatif auprès d’une association ou institution durant trois mois minimum.
Selon le secrétaire général du syndicat SNPDEN-UNSA Bruno Bobkiewicz, le SNU, qui s’effectuera probablement sur le temps scolaire, pourrait faire perdre un million d’heures de cours aux élèves et selon lui, son coût pourrait être investi dans le recrutement de 50 000 nouveaux professeurs.
Sophie Vénétitay, secrétaire générale du principal Syndicat des enseignants du secondaire (SNES-FSU), déclare également que le coût de près de deux milliards d’euros par an prévu pour le SNU devrait plutôt être investi dans l’Éducation nationale et l’émancipation de la jeunesse.
Pour le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, ce séjour permet au contraire de « découvrir de nouveaux horizons, que ce soit en termes de territoires, de personnes, d’activités ou d’engagement, apprendre sur soi et sur les autres, être acteur de sa citoyenneté. »
De nouveaux cours et un renforcement de certaines instructions pour les collégiens et lycéens
Le théâtre devrait devenir obligatoire au collège en vue de « donner confiance aux élèves et leur apprendre l’oralité », des paroles prononcées par le Président de la république dans son allocution du 16 janvier 2024. L’enseignement de l’histoire de l’art devrait être renforcé au collège ainsi qu’au lycée, tout comme le sport et l’instruction civique dont les heures seront doublées, à raison d’une heure par semaine dès la 5e. Pour le chef de l’État, il s’agit d’apporter un sentiment d’unité à travers l’apprentissage des grands pans de l’histoire de France.
Catherine Nave-Bekthi, secrétaire générale du Sgen-CFDT, redoute une « semaine de 35 heures de cours » pour les collégiens, tandis que d’autres syndicats d’enseignants se questionnent sur l’aménagement des heures, le remplacement de certains cours et surtout, l’absence d’une aide financière plus importante pour tout mettre en place.
Tout comme pour les groupes de niveau, l’Association des professeurs de lettres (APL) redoute le sacrifice des options de langues. Quant à la présidente de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG), elle redoute que l’instruction civique se fasse sur les heures d’histoire-géographie.
La généralisation du port de l’uniforme en 2026
Une tenue unique doit être expérimentée à la rentrée 2024 au plus tard, au printemps au plus tôt, de la primaire au lycée, avant une généralisation en 2026 qui pourrait inclure les écoles maternelles avec le port d’une blouse. D’une valeur de 200 euros, les coûts de l’uniforme seront pris en charge par les collectivités et l’État, selon les termes du Président.
87 établissements scolaires ont déjà accepté l’expérimentation.
Personnalisable selon les collectivités pour l’adapter aux conditions météorologiques, à certains cours comme le sport, ou pour y placer un écusson spécifique, cet uniforme pourrait se composer d’un kit comportant « cinq polos, deux pulls et deux pantalons ». Pas de différence entre les filles et les garçons à première vue. Inscrit au règlement intérieur et entraînant une sanction en cas de refus du port du vêtement, la tenue unique sera portée à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement si la sortie est liée à une activité scolaire.
Pour le Président de la république « la tenue unique efface les inégalités entre familles et crée les conditions du respect. Elle sera expérimentée dans cent établissements dès cette année. Si les résultats sont concluants, nous la généraliserons en 2026 » (tweet du 16 janvier 2024 sur le réseau social X).
Pour l’heure, quelques établissements ont déjà fait machine arrière face au refus des élèves, des parents ou des professeurs. Une quinzaine désormais selon la Voix du Nord.
Une cérémonie de remise de diplômes pour le collège et lycée
Le chef de l’État souhaite mettre en place ce « rite républicain d’unité, de fierté et de reconnaissance » pour tout élève obtenant le brevet et le baccalauréat. Des cérémonies sont d’ores et déjà organisées dans certains établissements scolaires et devraient s’étendre à tous les collèges et lycées à l’avenir.
L’obtention d’une certification écolo
La certification de « savoirs verts », souhaitée par l’ancienne première ministre Elizabeth Borne et désormais programmée pour fin 2024, pourra être obtenue par tous les élèves de 3e et 4e. Parmi les compétences à acquérir, nous retrouvons plusieurs sujets notamment « bien s’alimenter, trier ses déchets, comprendre le changement climatique, protéger la planète ». Les cours seront disponibles sur un outil similaire au logiciel Pix.
À partir de 2025, ces savoirs ou « socle de compétence globale, transversale et pluridisciplinaire » concerneront aussi les étudiants qui auront l’obligation de suivre une formation se portant sur la transition écologique au premier cycle d’étude supérieure.
Du côté du SNES-FSU, il regrette que les certifications vident de leur sens les diplômes, le travail des enseignants et des élèves. Elles ne sont, selon le syndicat, pas suffisantes pour remplir l’objectif désiré.
Diane Granoux, membre du collectif Enseignant.es pour la planète, regrette que les savoirs enseignés se réduisent seulement aux écogestes individuels qui n’interrogent pas le problème structurel et les solutions collectives vis-à-vis du dérèglement climatique. Pour Fabrice Rabat, membre du SNES-FSU et professeur de SVT, les programmes déjà denses risqueraient de se retrouver alourdis. Il déclare également que la responsabilité de l’écologie revient d’abord aux politiques et non aux élèves.
L’usage de l’intelligence artificielle au lycée
La rentrée 2024 est également placée sous le signe de l’intelligence artificielle (IA). Les élèves de seconde pourront utiliser le logiciel MIA Seconde pour les aider en mathématiques et français. Au cœur du logiciel, 20 000 exercices seront proposés et adaptés au niveau de chacun. Les premières expérimentations auront lieu dès ce mois-ci.
Des changements au bac
Les épreuves spécialisées du bac seront décalées en juin 2024 comme certains professionnels de l’enseignement le souhaitaient. Conséquence de ces dates repoussées, le contrôle continu prendra une place plus importante dans le dispositif Parcoursup.
Le programme à étudier passera de sept à douze chapitres, une nouvelle qui laisse l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) sceptique quant au grand volume de connaissances à assimiler en un trimestre supplémentaire.
Autre changement, le Grand oral sera légèrement modifié. La dernière partie de l’oral consacrée au « projet d’orientation » sera supprimée pour ainsi doubler le temps de la présentation de la question (passant de cinq à dix minutes), mais aussi pour échanger une dizaine de minutes avec le jury.
Le bac général et le bac technologique se verront aussi révisés. Il y aura notamment une épreuve anticipée en mathématiques et culture scientifique pour les premières dès l’année 2025-2026, mais également de nouveaux programmes en mathématiques dès 2025 pour la seconde et première générale et technologique. Les mathématiques seront donc réinjectées dans le tronc commun des élèves de première, quel que soit leur spécialité.
Des changements au lycée professionnel
Des changements sont à prévoir pour le lycée professionnel, notamment au niveau de l’année de terminale qui s’adapterait mieux au projet individuel des élèves et qui aurait pour objectif de mieux les soutenir dans leur choix d’orientation. Des groupes réduits seront également mis en place dès la seconde pour les élèves présentant des difficultés en mathématiques et/ou en français .
La rentrée 2024 devrait aussi voir un renforcement du volume horaire des enseignements généraux.
Piloté par Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, la réforme du lycée professionnel propose d’implanter des « bureaux des entreprises » dans les lycées professionnels afin de rapprocher un peu plus les élèves du monde professionnel et les aider à trouver des stages ou espérer des embauches rapides après le bac.
Certaines filières seront réformées pour répondre aux besoins économiques du pays. La carte des formations sera modifiée d’ici la fin de l’année 2026 dans le but d’orienter les élèves vers des métiers dits en tension et en manque d’embauche.
Les élèves de terminale professionnelle se verront proposer deux parcours au choix en plus d’un tronc commun. Ils auront ainsi la possibilité de réaliser un stage de six semaines gratifié entre 50 et 100 euros par semaine ou faire six semaines de cours renforcés selon leur envie d’obtenir un emploi ou poursuivre vers l’enseignement supérieur après leur diplôme.
Les élèves pourront bénéficier de divers programmes comme Avenir pro, qui les mettra en lien avec des conseillers de France Travail, ou Ambition emploi, une formation de 4 mois dédiée aux jeunes qui ne poursuivent pas leurs études et se retrouvent sans emploi. La formation pourra déboucher sur un contrat d’engagement jeune.
Dernière nouveauté, les épreuves du bac professionnel seront avancées à mai dès 2025 et dureront deux semaines.
La réforme, qui devrait débuter dès la rentrée 2024 pour les classes de terminale et dès 2025 pour les premiers stages, est globalement bien accueillie par les chefs d’entreprise mais moins par les syndicats enseignants. Si le chef de l’État espère un taux de 100% d’insertion sans aucun décrochage, les syndicats enseignants pointent du doigt des heures de cours en moins (environ 170 heures) pour faire place à davantage de stages en entreprise. Selon Jérôme Jolivet, secrétaire de la SNUEP-FSU, la place des élèves n’est pas en entreprise mais à l’école et cette réforme risque de les transformer en « main-d’œuvre gratuite ».
Jérôme Fournier, secrétaire national du SE-UNSA, redoute, comme de nombreux enseignants, que les stages rémunérés attirent d’abord les élèves les plus pauvres et les empêchent de poursuivre leurs études par la suite.
Selon Isabelle Lajeunie, présidente de la CPME des Hauts-de-Seine, déclare sur France Bleu que même si il est admis que les stages puissent être difficilement trouvables comme le redoutent certains syndicats, la réforme profitera aux entreprises ayant besoin de recruter, mais également aux élèves car elle leur permettra de « mettre un premier pied à l’étrier ». L’avis est partagé par la ministre Carole Grandjean qui espère un premier emploi à la fin du dernier stage de l’année de terminale.
Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), apporte également son soutien à cette réforme « déterminante pour l’avenir du pays. »
Le redoublement
Le redoublement sera désormais décidé par l’équipe pédagogique, sans opposition possible de la famille des élèves. Les enseignants auront également la possibilité de guider les élèves vers des stages de remise à niveau durant les vacances scolaires pour éviter le redoublement.
Pour le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco), le redoublement n’a aucun effet sur les performances scolaires à long terme et augmente même les risques de décrochage scolaire.
Pour Ariane Baye, directrice du service d’Analyses et interventions dans les domaines du décrochage et de l’exclusion (AIDE) à l’université de Liège, le redoublement peut être efficace si l’élève bénéficie d’un accompagnement personnalisé ou si ses problèmes sont détectés dès le début de l’année pour espérer y remédier le plus tôt possible.
Des stages de seconde en juin
Les deux semaines de stages obligatoires pour les élèves de seconde toutes filières confondues se dérouleront au mois de juin, en même temps que les épreuves du baccalauréat des terminales.
Le droit de dérogation est toutefois prévu pour les élèves effectuant un travail d’été, un séjour linguistique ou encore une mission d’intérêt général dans le cadre du SNU.
Si le MEDEF se dit mobilisé pour trouver un stage aux 550 000 élèves de seconde, certains enseignants redoutent une pénurie de places, laquelle obligerait les élèves à revenir en cours s’ils ne trouvent pas de solution (propos tenus par Gabriel Attal).
Si de nombreuses nouveautés ont été présentées par le gouvernement, certaines questions restent encore en suspens comme les modalités de leur mise en place ou bien les résultats qui seront obtenus. Pour cela, il faudra faire preuve de patience…
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