La technologie bouleverse le marché de la traduction
Le secteur de la traduction est en constante mutation avec les avancées technologiques qui donnent chaque jour un peu plus de place au travail de la machine, au détriment de celui des humains.
Selon une étude de Hanna Martikainen et Sara Salmi, intitulée « L’intelligence artificielle en traduction : état des lieux, compétences et orientations pratiques pour la formation », « en 2024, 83 des cents premiers fournisseurs de services linguistiques proposaient des services de traduction automatique et post-édition ».
Autrement dit, en 2024, la majorité des plus gros fournisseurs de services linguistiques déléguaient à la technologie au moins une partie du travail de traduction.
Dans le même sens, le rapport de l’European Language Industry Survey (ELIS) de 2023 souligne que « 78 % des professionnels de la traduction en Europe utilisent désormais, au moins ponctuellement, des outils basés sur l’IA ».
La traduction telle qu’on la romantise parfois semble loin derrière nous. Oui, le temps où, à la lueur d’une torche et une plume à la main, certains lettrés traduisaient des manuscrits est bel et bien révolu, mais allons-nous pour autant vers la disparition de ce métier ?

Les humains n’ont pas écrit leur dernier mot
Il semble malgré tout raisonnable de penser que l’intelligence artificielle ne sera, au moins pendant encore un certain temps, pas capable de fournir un travail équivalent à celui d’un humain. Pourquoi ? Parce que, aussi bien puisse-t-elle le faire, l’IA se contente d’analyser et de générer des données. Mais une langue ne se résume pas à des données, à des lettres, à des phrases, ou même à un ensemble de règles de grammaire.
Chaque langue est faite de nuances. Chaque phrase a une couleur qui se révèle au mélange des teintes de chacun des mots qui la compose. Toutes ces subtilités, nous les ressentons en lisant, en parlant. Une machine ne les ressent pas, car elle ne ressent rien. La musicalité des phrases, l’ironie, l’humour et le ton sont autant de choses qui sans doute lui échappent.
Ainsi, dans certains domaines, l’humain semble encore avoir une place centrale. C’est notamment le cas dans la traduction littéraire. Une enquête de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) révèle que « 73 % des contrats qui comportent une clause IA servent à interdire l’utilisation de logiciels de traduction automatique fondés sur des technologies d’IA ».
Cette forte proportion montre que, malgré l’essor des outils d’intelligence artificielle, certaines personnes entendent encore préserver un espace pour la traduction humaine.
De plus, quand il s’agit de sortir des sentiers battus et de faire preuve de créativité, l’IA n’est pas non plus des plus performante. Quel type de prompt aurait-il par exemple fallu rédiger pour qu’elle propose Maman, j’ai raté l’avion ! comme traduction du titre du célèbre film de Chris Columbus Home Alone ?
En parlant de prompt
Pour tester les capacités de l’intelligence artificielle à traduire un contenu complexe, nous avons demandé à ChatGPT de traduire le court poème d’Emily Dickinson, « A word is dead ».
Voici le prompt utilisé :
« Imagine que tu es traducteur. Tu dois traduire en français le poème “A word is dead” d’Emily Dickinson. Tu dois conserver au maximum les rimes, le nombre de syllabes et la mélodie du poème.
Voilà le poème :
A word is dead
When it is said,
Some say.
I say it just
Begins to live
That day. »
Voici le résultat obtenu par ChatGPT :
« Un mot est mort,
Quand il s’exporte,
Disent-ils.
Moi, je prétends
Qu’il prend son essor
Ce jour-là. »
Il serait bien entendu possible d’affiner la demande pour obtenir un meilleur résultat. Mais on peut tout de même se rassurer avec ce premier jet, qui est assez décevant.

Qu’en est-il alors des études de traduction ?
Les formations en traduction évoluent et s’adaptent aux mutations du secteur en intégrant de plus en plus les nouvelles technologies. La plupart d’entre elles incluent déjà une dimension informatique, notamment à travers la formation aux logiciels de traduction assistée par ordinateur (TAO).
Certaines universités vont plus loin et proposent désormais des cursus hybrides, à la croisée des langues et de l’informatique. C’est le cas, par exemple, du Master Traitement automatique des langues (TAL) proposé par l’INALCO, qui forme à la fois à la linguistique et à la programmation.
C’est également le cas du Master Traduction et Interprétation — Parcours « Technologies des langues » de l’Université de Strasbourg : ce programme combine traduction, linguistique et informatique, avec, par exemple, un cours dédié à la traduction automatique.
Et donc, est-ce que ça vaut encore la peine d’étudier la traduction en 2025 ?
Sans doute oui. Même si la machine menace bien la profession, la traduction humaine conserve des qualités que l’IA ne semble pas prête à acquérir.
De plus, il est raisonnable de penser qu’avec ces avancées technologiques, de nouveaux métiers voient le jour, dans lequel la maîtrise des langues devra être associée à d’autres compétences. Dans tous les cas, les connaissances linguistiques acquises à l’université trouveront sans doute un débouché, même si ce n’est pas celui qui était attendu.
Et finalement, personne ne sait de quoi demain sera fait. Nous n’avons rien d’autre que le présent, donc, si aujourd’hui, votre cœur vous pousse à vous engager dans cette voie, pourquoi vous refuseriez-vous à cet appel ?
Sources :
European Language Industry Survey : Use of AI tools in translation
Hanna Martikainen & Sara Salmi : L’intelligence artificielle en traduction : état des lieux, compétences et orientations pratiques pour la formation
Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) : Enquête 2025
INALCO : Master Traitement automatique des langues (TAL)
Université de Strasbourg : Master Traduction et interprétation — Parcours Technologies des langues
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