Comment l’école produit-elle des inégalités sociales ?

Au 20ème siècle on observe la démocratisation de l'éducation, le droit pour tous d'accéder à la scolarisation. Cependant, l'inégalité scolaire persiste.

Au 20ème siècle on observe la démocratisation de l'éducation, le droit pour tous d'accéder à la scolarisation. Cependant, l'inégalité scolaire persiste.

L’école aujourd’hui

Depuis les années 1950, on peut observer un phénomène de massification et de démocratisation de la scolarisation au niveau mondial. En France en particulier, l’école a été rendue obligatoire jusqu’à 16 ans en 1959.

Cependant, au XXIe siècle, l’inégalité scolaire persiste. Pour comprendre ce phénomène, il est essentiel de définir ce que l’on entend par “inégalité”. Généralement, ce terme est utilisé dans le contexte des revendications de droits, que ce soit en matière de travail, de politique, etc. En ce sens, Roger Brunet, géographe français, a défini l’inégalité comme “une différence perçue ou vécue comme une injustice n’assurant pas les mêmes chances à chacun” (source : Les mots de la géographie – Roger Brunet).

En 1989, la Convention Internationale du Droit des Enfants a déclaré que tous les enfants avaient le droit d’accéder à la scolarisation. Cependant, il est clair que l’accès à l’éducation n’est pas le même pour tous en raison de contraintes telles que le faible budget alloué à l’éducation, le manque d’investissement et la corruption. De plus, les écoles ne sont pas seulement des lieux d’éducation, elles peuvent également être des lieux de production des inégalités.

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L’école pour tous ou seulement pour les meilleurs ?

En France, l’une des questions centrales est de savoir si l’école est destinée à tous les élèves ou seulement aux meilleurs (principe de méritocratie). À cet égard, il est important d’examiner le système de répartition des filières et les limitations des places dans les universités.

Pour accéder aux études supérieures, il est souvent nécessaire de réussir un concours sélectif. Cependant, tout le monde n’a pas les ressources nécessaires pour accéder à ces opportunités, en particulier les élèves issus de milieux vulnérables ou défavorisés. Par conséquence, le fait que de nombreux élèves vulnérables abandonnent les études est symptomatique de cette inégalité d’accès aux ressources éducatives.

“Entre 1985 et 2016, les enfants de cadres et de professions intermédiaires comptent pour 67,8% des élèves de section S, pour 60,8% des élèves de section ES (économique et social), pour 54,9% des élèves de L (lettres et langues), pour 41% du public de toutes les sections professionnelles. Si on limite aux seuls cadres et aux seuls ouvriers, les enfants de cadres constituent 8,1% de élèves des baccalauréats professionnels contre 35,5% des enfants d’ouvriers qui ne sont plus que 3,1% des élèves des Écoles Normales Supérieures contre 52.2% pour les enfants de cadres” (source : L’école peut-elle sauver la démocratie – Francois Dubet et Marie DURU – BELLAT).

Il est également important de noter que certains enseignants orientent leurs élèves vers des filières moins compétitives, parfois basées sur des stéréotypes. Par exemple, une fille qui suit une formation SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) peut se voir recommander une filière de bac professionnel plutôt qu’une formation plus théorique et compétitive. Ces stéréotypes peuvent décourager les élèves et les amener à croire qu’ils ne peuvent pas accéder à des formations sélectives. En effet, il est fréquent de constater une distinction entre les élèves considérés comme performants et ceux qui rencontrent des difficultés dans une classe. Les enseignants peuvent avoir des attentes plus élevées envers les élèves bien classés et les encourager à poursuivre des études supérieures.

En fin de compte, le taux d’orientation vers des filières telles que le SEGPA ou le bac professionnel est disproportionné chez les élèves issus de milieux défavorisés par rapport à ceux issus de milieux favorisés. Cela peut être dû à la persistance de stéréotypes et de clichés dans certaines écoles et formations.

De plus, le manque de ressources financières dans certaines écoles limite leur capacité à offrir un environnement de qualité et des programmes d’orientation efficaces.

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En conclusion

En résumé, l’école peut produire des inégalités en raison de stéréotypes, de restrictions d’accès aux ressources éducatives et de décisions d’orientation qui ne tiennent pas compte du potentiel réel des élèves. Pour lutter contre ces inégalités, cela prend beaucoup de temps pour changer le système éducatif, des politiques éducatives visant à promouvoir l’équité dans des écoles, à abolir les stéréotypes et à fournir un accès égal aux ressources sont nécessaires.

Pour aller plus loin

L’Observatoire des Inégalités a publié début septembre 2023 plusieurs articles examinant les inégalités sociales, de l’école primaire à la fin du collège, puis du lycée aux études études supérieures

Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) a publié en 2016 un rapport intitulé Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ? dont traite l’article des Echos que vous pouvez lire ici. Ce rapport évoque la manière dont l’école française, qui vante la méritocratie, renforce au contraire les inégalités sociales.

Nous vous conseilllons également cet article : Le “profil Sciences Po”: Mythe ou Réalité ? – Workyt